Exposition au Musée Jenisch

Riche programme à Vevey avec deux expositions. La principale d’entre elles, occupant tout le rez-de-chaussée, est consacrée à une figure importante de l’art contemporain, qui a exposé dans le monde entier. Françoise Pétrovitch est née en 1964 en Savoie voisine. Elle présente ici dessins, gravures et vidéos. On sera immédiatement frappé par ses grandes figures humaines dessinées sur papier avec des lavis d’encre colorés, ce qui permet notamment des « coulures ». A noter que ces œuvres ont été réalisées à plat sur le sol. Au-delà de l’aspect technique, ces personnages aux regards vides, même s’ils représentent l’absence, ont une « présence » étonnante. Ils (et elles, car il y a nombre de femmes) portent tous leur main, laissée blanche, à leur bouche, pour fumer une cigarette ou parler dans leur portable. Nous avons donc là une image très significative du monde contemporain. Ce n’est pas un hasard si trois de ces lavis s’intitulent Selfie, cet objet qui envahit nos vies, nous mettant en contact avec les autres tout en créant de la distance. La présentation comprend aussi 64 sérigraphies tout en rouge, ainsi que des eaux-fortes et aquatintes sur papier, de petites dimensions. Toutes illustrent ce thème de l’absence dont l’artiste dit qu’« elle évoque aussi les non-dits et le silence, un espace qui n’est pas toujours rempli de mots ou de cris, mais de blanc et de retenue ». On remarquera en particulier Masque et Garçon au squelette. Enfin, il faut prendre le temps de voir les deux vidéos projetées sur écran géant, intitulées Echos et Papillon. Ce ne sont pas tout à fait des « dessins animés », car il s’agit de dessins mis bout à bout, qui possèdent une réelle dimension poétique. Ils ont été filmés par son mari, avec laquelle elle constitue un véritable couple d’artistes. Une belle découverte donc que cette exposition pour nombre de visiteurs qui ne connaissaient pas l’œuvre de Françoise Pétrovitch !

Félix Vallotton, ce géant de la gravure en petit format

L’année 2025 va décliner dans toute la Suisse des hommages à Vallotton, à l’occasion du centième anniversaire de sa mort. Le Musée Jenisch présente, dans le Cabinet cantonal des estampes, un florilège très représentatif des travaux du célèbre artiste. Ils font de lui le maître absolu du noir-blanc en gravure sur bois. Certains sont bien connus, car ils ont été mille fois reproduits, comme La Paresse, où une femme nue est nonchalamment couchée sur un canapé aux beaux motifs et caresse son chat. Les vues d’intimité, où la prostituée et la maîtresse remplaçaient souvent l’épouse légitime, témoignent de sa perception caustique de la société bourgeoise de son époque. N’oublions pas que Vallotton fut un temps très proche de l’anarchisme (avant son « beau mariage » avec Françoise Bernheim, fille du fameux galeriste), comme le montrent ces policiers chargeant au sabre la foule. Il faut mentionner trois gravures tout simplement géniales : Le Bibliophile, un personnage dont le visage est caché par sa lampe à pétrole, Le Coup de vent où le mouvement des personnages est rendu avec brio, et Feu d’artifice, qui montre bien les visages des spectateurs, ébahis, levant les yeux vers le ciel zébré par les retombées du spectacle pyrotechnique. Enfin, moins connues, ses gravures de paysages, comme La Jungfrau, qui rappellent un peu Hodler, avec aussi des influences japonisantes dans ces Fujiyama helvétiques ceints de nuages… Notons enfin qu’une place a été laissée à des artistes actuels qui ont été marqués par Vallotton, comme l’a été aussi Françoise Pétrovitch.

« Françoise Pétrovitch. De l’Absence » et « Félix Vallotton. Un hommage »

Musée Jenisch, Vevey, jusqu’au 25 mai