Exposition – A la santé de Marius Borgeaud !
Aigle expose ses fameuses toiles de bistrots bretons, à l’Espace Graffenried, jusqu’au 10 mars
Le cadre de l’Espace Graffenried est particulièrement adéquat, au centre d’une grande région viticole, pour présenter quelque trente tableaux du peintre vaudois Marius Borgeaud (1861-1924). Le vin a en effet joué un grand rôle dans sa vie. Né dans une famille aisée, il commence par dilapider sa fortune, en s’adonnant à tous les excès, notamment à Paris en abusant de la Dive Bouteille. A l’âge de quarante ans, il change de vie et débute une formation et une carrière de peintre.
C’est en Bretagne, découverte en 1908, qu’il va produire le meilleur d’une œuvre particulièrement attachante. La Bretagne qu’il peint n’est pas celle des fameux calvaires. On perçoit cependant la religiosité qui empreint cette région très catholique. Sur les fonds de ses toiles, dont l’essentiel est consacré aux cafés, on voit des images de la Vierge et des saints, ou encore une reproduction de L’Angélus de Millet. Ses sujets sont néanmoins quotidiens et laïques, voire patriotiques, dans la grande et magnifique toile qui montre un toast à la Patrie du 14 Juillet 1914. Ironie de l’Histoire : quelques mois plus tard va commencer la grande tuerie européenne…
La plupart de ses peintures représentent des intérieurs de bistrots. Les verres et carafes de vin y sont omniprésents, ainsi que des personnages, parfois côte à côte ou face à face, mais qui semblent souvent assez solitaires. L’un d’entre eux dort, la tête posée sur la table. Il vaut la peine de regarder avec attention chaque tableau et tous les détails qu’ils comportent : visages expressifs des hommes, barbus et au visage raviné, képi des militaires, coiffes bretonnes des servantes, présence d’une canne, voire d’un perroquet, quasi omniprésence d’un chien. Tout cela constitue des scènes de vie à la fois figées et très vivantes. Il y a quelque chose de naïf dans l’art de Marius Borgeaud, qui peut faire songer au Douanier Rousseau. Sans pourtant que sa peinture relève en aucune manière de l’Art brut, car il a suivi une véritable formation artistique. Borgeaud procède par aplats de couleurs, souvent d’une certaine épaisseur. Comme dans les toiles de Vermeer van Delft, la salle du café n’est jamais entièrement cloisonnée. On y voit toujours une ouverture sur une autre pièce, ou par une fenêtre sur l’extérieur. Marius Borgeaud, loin d’être un « petit maître » régional (vaudois ou breton), est un créateur à l’art très subtil. A-t-il continué en Bretagne à boire un peu trop régulièrement le vin rouge disposé sur quasi toutes ses toiles ? Cela, l’Histoire ne le dit pas…
« Marius Borgeaud. Autour d’un verre »
Espace Graffenried, Aigle
Jusqu’au 10 mars 2024