Elections cantonales pour le Conseil d’Etat, 2e tour
Interview de Nuria Gorrite
En tête du deuxième tour de l’élection au Conseil d’Etat vaudois avec 91’690 (55.70%), l’ancienne syndique de Morges démarre sa carrière politique à 22 ans. Rencontre avec l’actuelle présidente du Gouvernement vaudois.
Vous vous êtes engagée en politique depuis l’âge de 22 ans, pourquoi un tel engouement pour la chose publique ?
Je viens d’une famille qui a connu la dictature. S’engager pour la démocratie, la défense des droits fondamentaux et la justice est évident pour moi. Pouvoir servir la communauté me donne un véritable élan.
Vous avez toujours œuvré dans le rang des socialistes, qu’est-ce qui vous plaît dans cette couleur politique ?
Je me suis battue toute ma vie pour un état protecteur et une société égalitaire et solidaire. A mes yeux, le parti socialiste incarne ces valeurs.
Le deuxième tour des élections au Conseil d’Etat s’est achevé ce dimanche,
comment avez-vous vécu cette journée, pour le moins émotionnelle ?
Je suis partagée. D’un côté, la liste de gauche a performé, avec l’excellent résultat de ma collègue Rebecca Ruiz, le mien et l’élection de notre colistier vert Vassilis Venizelos qui continuera de porter l’écologie politique au Gouvernement. Je m’en réjouis. De l’autre, je regrette la perte
de notre majorité acquise il y a 11 ans, à la suite de la non-réélection de ma collègue Cesla Amarelle, pour qui j’ai une pensée particulière.
De nombreuses personnes impliquées dans la politique vaudoise depuis plusieurs années constatent qu’il devient toujours plus compliqué de faire aboutir des dossiers, pensez-vous que le monde politique devient toujours plus difficile ? toujours plus protocolaire ?
La dynamique de ces dernières années, avec un Gouvernement à gauche et un parlement à droite, obligeait chacun à aller vers l’autre et à trouver des équilibres, sans quoi il était difficile d’obtenir une majorité. Je ne vois pas cela comme des difficultés ou des blocages, au contraire, cela a permis de trouver des compromis souvent meilleurs, dans l’intérêt du canton et des
Vaudoises et des Vaudois. J’observe néanmoins, qu’avec la nouvelle situation institutionnelle issue des urnes, ce compromis sera plus délicat à trouver.
Avec un faible taux de participation lors du premier tour (34.28%), que faudrait-il faire, selon vous, pour augmenter l’implication des citoyens lors de futures élections cantonales ?
Je constate une progression de plusieurs points de la participation entre le premier et le deuxième tour, et je pense que cela est dû au fait que la campagne et l’attention des médias s’est plus focalisés sur les enjeux lors du deuxième tour. Le choix, pour les électeurs, entre des programmes différents est probablement apparu plus clair au deuxième tour, ce qui a incité à la participation.
Membre du Conseil d’Etat et présidente actuelle, quelle est l’étape suivante ?
L’objectif est maintenant d’assurer la transition avec le nouveau gouvernement élu, de répartir les départements de manière équilibrée. J’ai à cœur de poursuivre mon travail ces 5 prochaines années au service du canton et de défendre les valeurs de gauche au sein de ce nouveau collège.
La plus grande difficulté rencontrée durant cette campagne pour le Conseil d’Etat ?
Ça a été la difficulté d’être présidente d’un Gouvernement et candidate en même temps. Je devais à la fois assurer un rôle institutionnel, garante du fonctionnement du Gouvernement, et pouvoir comme candidate affirmer des valeurs et m’engager plus politiquement.
Interview de Christelle Luisier Brodard
Seule élue au premier tour de l’élection au Conseil d’Etat vaudois avec 75’113 suffrages (50.08%) l’ancienne syndique de Payerne baigne dans la politique depuis son enfance.
Rencontre avec cette personnalité du Gouvernement vaudois.
Vous êtes engagée en politique depuis 1997, pourquoi un tel engouement pour la chose publique ?
Enfant de parents cafetiers, mon premier rapport à la politique a été d’écouter les discussions dans la salle ce qui m’a sensibilisée à la chose publique. J’ai, tout d’abord, commencé par m’investir au sein du Conseil communal, échelon de proximité qui me tient à cœur. Par la suite, j’ai eu la chance d’avoir différentes opportunités qui m’ont permis de poursuivre cet engagement: la Constituante, la Municipalité de Payerne puis le Conseil d’Etat. Le plaisir et la passion de rencontrer les gens, d’être à leur écoute et d’améliorer les choses sont toujours là.
Vous avez toujours œuvré dans le rang des radicaux, qu’est-ce qui vous plaît dans cette couleur politique ?
J’ai adhéré à ce parti, car je crois aux valeurs de liberté et de cohésion qu’il porte. Faire en sorte que nos sociétés et les individus puissent avoir le maximum de libertés dans tous les domaines est l’un de mes objectifs politiques. Grâce à la cohésion, nous veillons aux liens qui unissent les personnes, les générations et les régions. C’est d’autant plus important dans un canton aussi vaste que le nôtre. Je continue à défendre ces valeurs. De plus, j’apprécie également que ce parti soit toujours orienté «solutions» en veillant à apporter des réponses à
l’ensemble des défis de notre société sans être focalisé sur une seule thématique.
Avec l’Alliance vaudoise, la droite est partie à cinq pour reconquérir la majorité au Conseil d’Etat, quelles leçons tirer de cette manière de faire ?
L’Alliance et les personnalités qui la composent nous ont permis de créer une dynamique fantastique. Des liens forts se sont tissés et une véritable équipe est née. Cela nous a permis de rassembler largement autour de notre projet. Nous sommes heureux d’avoir pu changer la majorité au Conseil d’Etat, mais nous regrettons la non-élection de Michaël Buffat, car nous souhaitions la réussite de l’ensemble des membres de l’Alliance.
La vidéo de présentation de l’Alliance vaudoise sur le réseau social TikTok a beaucoup fait parler d’elle, véhiculant notamment un manque de sérieux des candidats. Comment avez-vous réagi aux commentaires parfois haineux sur les réseaux ?
Les réseaux sociaux permettent de s’exprimer de manière différente ou originale pour se faire connaître plus largement ou sous un autre angle. Certains formats sont jugés positivement ou négativement. C’est inhérent à ces plateformes d’échanges directs. En revanche, nous devons condamner et signaler (en l’occurrence aux plateformes) tous propos haineux. Ces espaces doivent permettre le débat et non l’invective.
Avec un faible taux de participation lors du premier tour (34.28%), que faudrait-il faire, selon vous, pour augmenter le taux de participation aux futures élections cantonales ?
L’abstention a différentes raisons et n’est pas un phénomène facile à corriger. Pour ma part, je pense qu’il y a deux axes de travail potentiel, le renforcement de l’éducation à la citoyenneté dans les écoles et le fait de combiner les scrutins cantonaux avec les scrutins fédéraux. Ensuite, nous devons continuer à faire des campagnes de proximité, ancrées dans le terrain. Ces différentes mesures doivent progressivement nous permettre d’inciter davantage de personnes à se rendre aux urnes.
Membre du Conseil d’Etat ou peut-être même présidente de ce dernier selon la répartition des dicastères, quelle est l’étape suivante ?
Conformément à nos institutions, nous allons mettre en place progressivement le nouveau collège gouvernemental et la répartition des départements. Pour ce faire, nous allons échanger avec l’ensemble des collègues afin d’avoir une organisation qui soit la plus efficace et la plus équilibrée pour les Vaudoises et les Vaudois.
La plus grande difficulté rencontrée durant ces élections au Conseil d’Etat ?
La campagne a été intense sur le plan physique quand vous allez dans de nombreuses manifestations à travers le canton; tenir sur la durée est exigeant. Cependant, avec cette dynamique d’équipe que nous avons créée, nous avons pu tenir la distance tout au long de ces derniers mois.
Commentaires
C’est la première fois dans l’histoire politique cantonale qu’une élue du Centre (ex PDC) rentre au Conseil d’Etat
L’Alliance Vaudoise place quatre de ses cinq candidats au Château cantonal
Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Second tour, participation légèrement en hausse (37,6% contre 34,25% au premier tour), du suspens et une Alliance du centre droite qui reprend la majorité au gouvernement vaudois après une campagne bien menée
La PLR Christelle Luisier étant la seule à avoir obtenu la majorité absolue le 20 mars dernier, restaient donc six places à repourvoir pour la législature 2022-2027. Sur les 25 candidats présents au premier tour, répartis sur dix listes, n’en restaient plus que 8 pour six places. Le camp bourgeois reconduisait avec raison et conviction ses 4 candidats non élus du premier tour et le camp rose-vert en faisait de même. La question que tout le monde se posait était de savoir comment les électeurs des partis qui ne figuraient plus sur les bulletins allaient se comporter ? A quel camp irait ce réservoir de voix ? Les abstentionnistes allaient-ils se réveiller ? Ce second tour, bloc contre bloc, s’annonçait donc très incertain. Les observateurs prévoyaient une élection aisée pour deux des trois ministres socialistes sortantes à savoir, Rebecca Ruiz et Nuria Gorrite, ainsi que les deux conseillers nationaux PLR Frédéric Borloz et Isabelle Moret. Leurs scores du premier tour (tous entre quasi 46% et 47%) ne laissaient guère de doute sur l’issue du verdict populaire. Par contre, le suspense était à son comble pour savoir qui les accompagneraient soit pour renverser la majorité de gauche perdue il y a onze ans, soit pour la conserver. Le 20 mars dernier, les quatre papables étaient sortis groupés puisque seulement 3’191 voix séparaient l’UDC Michaël Buffat (6e avec 59’693 suffrages) du Vert Vassilis Venizelos (9e avec 56’502 suffrages). Valérie Dittli (Centre) et Cesla Amarelle (PS) s’intercalaient entre eux, arrivant respectivement aux 7e et 8e places. Après une campagne nettement plus animée que lors du premier tour, des programmes reprécisés et affûtés, le peuple vaudois a élu son gouvernement. Comme les sondages le prévoyaient, Nuria Gorrite (91’690 voix), Rebecca Ruiz (90’566 voix), Isabelle Moret (87’646 voix) et Frédéric Borloz (87’372 voix) sont élus aisément et seront accompagnés de Vassilis Venizelos (81’509 voix) et de Valérie Dittli (80’431 voix). Cesla Amarelle (76’060 voix) perd son siège et Michaël Buffat (73’374 voix) n’est pas élu. L’Alliance Vaudoise place quatre de ses cinq candidats au Château cantonal : Valérie Dittli fait une entrée remarquée au détriment de son allié Michaël Buffat. Après dix ans de majorité de gauche au gouvernement, la droite réussit, grâce à la jeune présidente du Centre Valérie Dittli et les supports du PLR et de l’UDC, à la reconquérir. C’est la première fois dans l’histoire politique cantonale qu’une élue du Centre (ex PDC) rentre au Conseil d’Etat. Cela alors même que son parti n’a plus de députés au Grand Conseil. Comme quoi, notre démocratie est bien vivante en donnant sa chance à une jeune femme intelligente, courageuse, sans complexe et qui s’est vraiment fait connaître pendant la campagne. C’est aussi la preuve qu’une large alliance de partis différents avec une palette de candidats variés (âge, genre, parcours) et solidaires est efficace pour mener à bien une telle élection.
Quant à l’écologiste Vassilis Venizelos qui pointait au 9e rang lors du premier tour, il fait une jolie remontée en prenant la 5e place. Pour Cesla Amarelle, il faut noter que même dans les fiefs de gauche, elle fait quasiment chaque fois 8% de suffrages en moins que ses colistiers. Les enseignants et les parents d’élèves ont signifié leur ras le bol des réformes incessantes et pénibles à intégrer. Les mesures prises pendant le Covid et touchant l’école ont certainement aussi pesé dans la balance. Cet état de fait ne devra pas être négligé par son successeur au département de la formation et de la culture.
Le 1er juillet prochain, notre nouveau Conseil d’Etat entrera en fonction et nous connaîtrons la répartition des départements. La population attend de ses élus que leurs promesses de campagne soient tenues et que les consensus nécessaires à l’aboutissement de projets utiles à tous se réalisent.