Des pastels et des skis, recette miracle pour transmettre la beauté hivernale
Dès l’arrivée des premières neiges, Noël Hémon part dormir à la belle étoile. Dans ses œuvres, il y fait l’éloge des éléments, de la pureté des crêtes alpines et de l’émotion qui nous renvoie à notre existence. Reportage en bivouac.
Loin des « survivalistes » qui se préparent à une cata-strophe planétaire, c’est le spectacle de la nature que Noël Hémon recherche. La danse des nuages qui s’entrechoquent sur les rochers, la lumière du soir qui dore les falaises, la poésie d’un paysage immaculé de blanc, le bruit des flocons se posant par millier sur les pentes. Des plaisirs simples, qui sont source d’inspiration pour l’artiste-peintre : « C’est une sensation forte que l’on ressent dans notre corps. C’est un peu comme si l’on était aspiré par la lumière avant de trouver le bon endroit pour se mettre à peindre », confie le peintre professionnel installé dans le district.
Dans son sac, coincé entre sa lampe frontale et le fromage à fondue, son matériel de peinture est facilement « dégainable ». C’est qu’à la fin mars, la nuit tombe sans prévenir entre les sommets, il faut être prêt. Une fois les skis déchaussés, Noël Hémon s’installe sur un caillou : « Vite ! la lumière baisse à vue d’œil ». En face, le Chablais est déjà plongé dans l’ombre, tandis que le Léman et le Lavaux s’embrasent. Pour l’artiste, il est primordial de s’immerger dans le décor pour retransmettre ses émotions sur le papier. Son regard vif cache difficilement son rythme cardiaque qui a pris l’ascenseur avec les 400 mètres de montée. L’allure redescendra en soirée avec l’installation du bivouac, niché en lisière de forêt sur les pentes de la Dent de Valerette (Monthey/Valais). L’occasion de découvrir le personnage autour du feu de camp.
La montagne, pourquoi?
« Il y a plein de raisons à cela. Mais la principale est de pouvoir figer dans le temps et partager ces moments avec le public » livre l’artiste-peintre. « C’est un privilège d’accéder à ces endroits, tout le monde n’a pas cette chance. Mon travail consiste en quelque sorte à ramener les merveilles de la nature à ceux qui ne peuvent y accéder ». Pour Noël, ses excursions montagnardes sont des voyages, et non des périples. « Je n’aime pas ce terme », sourit l’artiste avant de poursuivre : « Mes sorties ne sont pas des exploits d’alpinistes, mais sont des lieux qui ont une importance quant à être retranscrits sur la toile ». A titre d’exemple, on peut citer la Dent Blanche, le Weisshorn ou encore le Cervin. « Ces montagnes sont connues par leurs noms, mais pas forcément sur le terrain ».
Pour comprendre l’emprise de la montagne sur Noël, il faut rembobiner la cassette du temps de 40 ans environ : « Quand j’avais douze ans, plusieurs maisons étaient en construction dans le quartier. A force, les amas de terre ressemblaient à de petites montagnes ». Avec son regard d’enfant et les JO d’hiver diffusés à la télé, Noël se fabrique une paire de skis (si on peut appeler cela des skis) avec les moyens du bord : « J’avais vraiment envie de goûter à la glisse et d’aller en montagne. Mais quand tu grandis à Lude, dans l’ouest de la France, c’est forcément moins accessible. »
Eternel recommencement
« Pour moi, chaque création est une nouvelle expérience ». Qu’il s’agisse de la façade d’un immeuble, d’une nature morte, d’un portrait ou d’un paysage en Lavaux, l’artiste-peintre cherche sans cesse à se renouveler. A l’image des saisons qui transforment les cimes, Noël adapte ses œuvres selon les aléas de la nature. Des changements qui se font sentir dès les premières lueurs du jour. Moins 11 degrés, température ressentie : – 15°. Le schéma est différent sans le feu de la veille. Peu importe, la chaleur se trouve dans la lumière qui immerge les lieux. Plus tard, l’artiste-peintre nous confiera qu’en art, trois verbes sont déterminants : « Observer, pour se positionner rapidement, décider, pour choisir un cadre et une harmonie de couleurs, visualiser, pour voir la fin de son œuvre. Ça fait beaucoup, en peu de temps, mais c’est là que nous sommes le plus authentique ».
La présence du journaliste, et celle de la caméra sur son épaule, dictent un stress supplémentaire pour l’artiste : « J’appréhendais quelque peu cette première. Mais une fois que mon regard était lancé sur la montagne, je me suis immergé dans la peinture comme rarement auparavant ». Le travail du peintre est à retrouver jusqu’au 17 décembre dans le cadre de l’exposition « Silence » et vous pouvez rejoindre Noël dans son aventure hivernale en vidéo.
Noël Hémon en deux mots
Après avoir grandi à Lude (France), il arrive en 1996 au Canada. Il approfondit sa technique de peinture et de dessin dans une école de beaux-arts à Montréal.
Jusqu’en 2007 (année où il s’installe en Suisse), l’artiste-peintre séjournera entre New York, Paris et Montréal. Ses créations y font l’objet de plusieurs expositions.
Dès 2007, il se consacre plus largement aux paysages vaudois, aux Alpes, et aux lumières changeantes du Léman.
En 2018, Noël enseigne les techniques de pastel, la sculpture, le fusain ou encore la pointe sèche. Pour transmettre sa passion et son savoir-faire, il met sur pied des cours privés dans son atelier ou dans des musées vaudois.
En 2019, il part en Australie pour séjourner dans une communauté aborigène afin de s’imprégner de cette population vivant en symbiose avec la nature et le monde animal .
Exposition « Silence »
L’absence de bruit est un élément important dans le travail de Noël Hémon. Jusqu’au 17 décembre, ses œuvres réalisées à l’huile et aux pastels sont à retrouver à son atelier :
Atelier du Lac, rue du Lac 11A, Lausanne-Ouchy
Horaires d’ouverture : De mercredi à vendredi de 17h à 19h Dimanche de 14h à 18h
Plus d’infos sur l’exposition : https://noelhemon.ch/