Décrypter le numérique pour conserver une politique publique
Dans son nouvel ouvrage, Jean Christophe Schwaab dresse un panorama des pratiques des GAFAM. Ces nouveaux maîtres du monde imposent leurs règles sur les collectivités publiques, de quoi remettre en question la souveraineté. Entretien.
Le monde politique ne s’interroge que très rarement sur les questions de souveraineté numérique » commente l’auteur avant de pointer du doigt les méthodes des géants de l’informatique sur la chose publique : « Un jour, on apprend que l’armée va utiliser un logiciel de Microsoft. Le suivant, on entend que la plateforme de location de résidence Airbnb refuse de s’acquitter de la taxe de séjour sauf si les autorités se plient à ses conditions ». Pour Jean Christophe Schwaab, ces exemples sont la preuve qu’il manque une vue d’ensemble de l’impact de la révolution numérique. « Avec ce livre, je voulais démontrer que les grandes multinationales du secteur utilisent leur taille et leur pouvoir de marché pour violer les prérogatives des Etats. »
Dans Pour une souveraineté numérique, le municipal de Bourg-en-Lavaux partage également son expérience de milicien : « Les anciennes limites communales apparaissent toujours sur Google Maps en 2023, alors que les localités de Cully, Epesses, Grandvaux, Riex et Villette ont fusionné en 2011 ». Hormis les nombreuses inexactitudes des sites de cartographie, l’auteur dénonce également la dangerosité d’un usage massif des services des GAFAM : « Certaines erreurs entravent le travail quotidien des collectivités publiques, par exemple lorsqu’une faute sur le nom d’un chemin fait disparaître une partie d’un réseau d’éclairage public de l’inventaire, empêchant son entretien. »
La Suisse à la traine
« Des pays voisins ont des réflexions approfondies en matière de souveraineté numérique. La France possède même un ministère en la matière afin de fixer les règles. En Suisse, le retard est considérable et les décisions incohérentes » juge Jean Christophe Schwaab en évoquant l’attribution des données de la Confédération à des hébergeurs étrangers : « Lorsque j’ai appris que notre gouvernement allait utiliser les services cloud d’Amazon ou d’Alibaba, au risque de perdre le contrôle sur ces informations, je me suis jeté sur ma plume pour écrire ce guide ». Si le stockage de données interroge souvent les parlementaires, le numérique à un impact qui va au-delà de l’utilisation de Clouds : « Le cyberspace influence l’exécution des tâches de toutes les collectivités, y compris celles des communes. »
Avec son troisième ouvrage, Jean Christophe Schwaab s’adresse à toute personne s’intéressant à la démocratie et au fonctionnement des collectivités publiques. On y retrouve les menaces de la révolution numérique sur les prérogatives des communes, des cantons et de la Confédération. Mais aussi les clés pour résister à l’invasion des GAFAM : « Défendre sa souveraineté commence par la proclamer. Face à un réel vide juridique, notamment face à certains défis qu’il était impossible de prévoir il y a quelques années à peine, il devient nécessaire d’en établir de nouvelles règles ».
L’auteur en deux mots
Jean Christophe est docteur en droit économique de l’Université de Berne et diplômé en politique budgétaire et fiscale de l’Institut de hautes études en administration publique de l’Université de Lausanne. Député socialiste au Grand Conseil vaudois de 2007 à 2011, puis conseiller national de 2011 à 2017, il est également vice-syndic de la commune de Bourg-en-Lavaux. Depuis 2021, il participe aux travaux de la Commission fédérale de la communication. ComCom
Informations sur l’ouvrage
Pour une souveraineté numérique se décline
en 165 pages. L’ouvrage, au format poche, est à retrouver dans toutes les bonnes librairies ou à commander sur le site de l’éditeur Savoir Suisse.