De la forêt à la cave
La longévité des tonneaux, qui seront fabriqués à partir des chênes abattus, sera égale à leur temps passé en forêt, soit au moins 150 ans
Gil. Colliard | Si les forêts du Jura vaudois recèlent des bois de résonance, particulièrement adaptés à la fabrication d’instruments de musique, les chênes croissant dans les massifs d’Oron offrent une qualité de bois idéale pour la construction de tonneaux. Une constatation faite par Franz Hüsler, tonnelier, œnologue schwytzois, basé à St-Légier, fabriquant du tonneau livré en 2020 à la commune d’Oron. Aussi, le Groupement forestier Broye-Jorat a-t-il accédé à sa demande en extrayant deux arbres de la forêt des Adoux à Palézieux, pour leur donner une nouvelle, noble et longue vie dans les caves des vignerons de notre région.
Abattage de deux chênes pour la fabrication de barriques
Jeudi 17 février, 9h, les bûcherons de l’entreprise forestière Daniel Ruch SA accueillaient sur le lieu d’abattage, une délégation invitée à cette occasion, composée d’Olivier Sonnay, syndic d’Oron, de son prédécesseur Philippe Modoux, de ses anciens collègues municipaux Danielle Richard et Christian Bays ainsi que les acteurs forestiers : Daniel Sonnay, municipal et président du Groupement forestier, Didier Gétaz, garde-forestier de la Haute-Broye, les agents de La Forestière, la coopérative chargée de la commercialisation du bois : Grégoire Vuissoz et Steve Gander et Franz Hüsler accompagné de son apprenti tonnelier, Vincent Bühler. Son matériel déposé au pied de l’arbre préalablement sélectionné par l’artisan, le bûcheron, aguerri à cette pratique, monta le long du tronc pour élaguer les branches, afin d’éviter les dégâts aux arbres du peuplement et l’éclatement du fût en tombant. Après quelques coups de tronçonneuse à sa base, le chêne se retrouva à terre parfaitement dirigé, sa coupe montrant un bois correspondant idéalement au choix du tonnelier. Les conditions météo venteuses ne permettant pas l’extraction d’un arbre sur les hauts du Bois de Mont à Oron-la-Ville, Franz Hüsler sélectionna un second candidat sur place « les chênes se coupent en janvier et février. Aujourd’hui avec l’alignement des planètes en lune descendante se trouve être le dernier jour de l’année pour effectuer cette opération. Après la sève circule et ouvre les nerfs, les tonneaux ne sont plus étanches. J’effectue mon choix en fonction de la qualité de l’arbre sur pied, sans défaut visible et de son emplacement dans un souci de respect pour la futaie. »
Visite à la scierie Beaud de Tatroz
Laissant les professionnels effectuer le second abattage, le groupe se dirigea à Tatroz, visiter la scierie chargée de débiter et de sécher, pendant environ 5 ans, ces billes de chêne avant leur transformation en tonneaux. Bernard et son fils Sébastien Beaud accueillirent chaleureusement ces derniers dans leur entreprise située au carrefour des communes de Tatroz, Bossonnens et Ecoteaux, ceinturée par une boucle de la Broye. Le jeune homme présenta en détail à ses visiteurs les nombreux secteurs de transformation du bois ainsi que le fonctionnement des machines. Les bois écorcés, débités, empilés pour le séchage proviennent essentiellement de la région et sont livrés également aux entreprises et privés de la région. L’entier des grumes est utilisé. Les chutes de bois sont transformées en plaquettes qui alimentent la centrale de chauffe de Châtel-St-Denis. Tous les mouvements des billes sont réglés par les opérateurs machinistes. Au total 6 personnes travaillent dans cette entreprise familiale créée en 1944 par le père de Bernard Beaud. Une des dernières scieries régionales en activité dans la région, ayant résisté à l’hémorragie dramatique subie par cette branche d’activité.
Matinée instructive marquée par un abattage fait dans le respect de la forêt, des connaissances ancestrales liées au ciel, du temps nécessaire à l’optimisation du produit et de la fabrication artisanale qui offrira aux meilleures millésimes, nombreux dans notre région, de vieillir dans de belles conditions. Une production de niche apportant à quelques vieux chênes une nouvelle vie. « La longévité des tonneaux qui seront fabriqués à partir des chênes abattus ce matin sera égale à leur temps passé en forêt, soit au moins 150 ans » souligna en conclusion Franz Hüsler.