Cully – Pierre-Alain Monbaron : histoires de pêche et de poissons
Ce matin-là, Pierre-Alain Monbaron, pêcheur professionnel à Cully, a ramené une vingtaine de kilos de perches. Son collègue David German a pris une trentaine de kg de féras et une truite. Tandis que l’année 2024 était catastrophique, 2025 s’annonce sous de meilleurs auspices avec une légère hausse de la pêche.

Texte et photos Nicole Knuchel | Le lac Léman évolue : eau plus chaude, hivers plus cléments et moins de bise – ce vent froid qui oxygène les profondeurs, la présence de nano-résidus et la moule quagga qui tapisse les fonds. Quel est l’impact sur la pêche ? « C’est une question difficile et complexe. Différents facteurs agissent en même temps, selon Pierre-Alain. Il y a un grand bouleversement à cause du climat. Avant, les perches frayaient à 10-15 mètres. Maintenant on ne les voit plus. Tout a changé ! » On ne met plus de filets de fond à cause des moules qui s’y accrochent, nécessitant des heures de nettoyage.
Quels sont les principaux poissons que nous mangeons ?
Autrefois, les clients mangeaient uniquement des poissons nobles, surtout les perches. Ensuite, faute de perches, les pêcheurs ont commencé à valoriser d’autres espèces, comme la féra et le brochet. Selon le type de poissons qu’on veut capturer, on met des nasses ou des filets dérivants. Les pêcheurs de Cully ont partagé des caractéristiques des poissons qu’ils capturent. Voici quelques témoignages.
La perche
Poisson noble, la perche est un prédateur et carnassier qui se nourrit principalement de jeunes perches, de vengerons et d’écrevisses. On en trouve dans son estomac. Ce matin, Pierre-Alain taille une perche ayant mangé un petit congénère et une autre ayant mangé un petit vengeron. Les perches ayant atteint 4-5 ans sont appelées des boyas. Le pêcheur raconte qu’en ce moment, le milieu du lac foisonne de jeunes alevins. Les perches suivent leur nourriture et se trouvent au milieu du lac. En automne et en hiver, on capture les perches dans des filets adaptés. Au printemps et en été, on les prend dans les nasses.


La féra
Seul poisson quasi herbivore dans le Léman, la féra se nourrit de zooplancton, ainsi que de larves de moustiques et d’autres proies, ce qui lui donne sa chair ferme, selon Pierre-Alain. La féra est capturée dans les filets dérivants. En été, elles sont au large attirées par les grandes profondeurs. Autrefois, Pierre-Alain et David les apercevaient gagner les rives peu profondes pour se reproduire déposant leurs œufs dans les cailloux. Maintenant, ils ne les voient plus ! Pierre-Alain ajoute en rigolant que le lieu exact de leur frai est un mystère. On suppose qu’elles fraient dans les eaux plus profondes. De début octobre à mi-janvier, leur pêche est interdite pour respecter leur période de reproduction.
Le brochet
Profitant de sa grande taille, le brochet est le poisson le plus vorace. On l’appelle le requin d’eau douce, affirme Pierre-Alain. Carnassier, le brochet se nourrit de perches, d’autres poissons et d’écrevisses. Autrefois capturé dans les filets de fond, maintenant on le prend dans les filets dérivants, parfois dans une nasse. Il fraie au début du printemps à faible profondeur.
C’est un poisson magnifique, ajoute Pierre-Alain, mais sa chair est redoutée pour ses nombreuses arêtes. Nous, avant la cuisson on enlève déjà les arêtes. Clémentine, son épouse, arrive à les enlever soigneusement et en fait un met très apprécié par les clients de la Grappe d’Or, leur restaurant.
La truite
Prédatrice à la nage rapide, la truite vivait autrefois près du bord. Maintenant, on la trouve surtout au milieu du lac dans les profondeurs où elle se fait attraper dans les filets dérivants. La truite fraie en hiver, d’octobre à la mi-janvier, période durant laquelle sa pêche est interdite.
L’omble chevalier
Carnassier et magnifique salmonidé, l’omble se pêchait traditionnellement dans les filets de fond qui ne sont quasiment plus utilisés à cause des moules. Occasionnellement, Pierre-Alain ramène un omble, prisonnier d’un filet dérivant.
L’omble fraie de novembre à janvier – dès lors sa pêche est interdite. Le pêcheur explique que l’omble dépose ses œufs jusqu’à 60-70 mètres sur un fond caillouteux ce qui protège les œufs. Pourtant, lors de la ponte, souvent la femelle se blesse aux moules coupantes. L’omble est devenu un poisson rare. Lorsqu’il est au menu d’un restaurant, il y a de grandes chances qu’il soit d’élevage.
Le silure
Longtemps cantonné au Rhône, le silure ou poisson-chat a fait son apparition dans le lac il y a 2-3 ans. Pierre-Alain raconte qu’en 75 ans de pêche, il n’en avait jamais trouvé dans ses filets… jusqu’à ce dimanche d’été l’année dernière. Principalement carnassier, le silure avale tout ce qui bouge : poissons, alevins et même canetons, oiseaux et batraciens. Omnivore, il mange aussi du plancton et des végétaux aquatiques. Le silure se reproduit au début de l’été dans des eaux peu profondes.
Saviez-vous que le lac Léman compte a peu près 27 espèces de poissons. C’est un monde fascinant bien que la plupart du temps, on apprécie ces poissons surtout dans nos assiettes. Bon appétit !

Un brochet dans la nasse
Notre pêcheur raconte que le brochet est de nature très curieux. Attiré par les perches prisonnières d’une nasse, le brochet ne résiste pas au festin et finit lui-même pris au piège dans la nasse.
La truite, petite cousine du saumon
Il y a longtemps lorsque Pierre-Alain habitait à Dully-Bursinel à l’embouchure de la Dullive, il voyait les truites monter la rivière pour frayer. Il estime qu’environ 80 % des truites fraient dans le lac, les autres continuent à remonter les rivières.
Un silure dans la fontaine
L’été passé, j’avais trouvé un silure dans mes filets. Comme j’ignorais que faire avec cette grande créature insolite, en attendant, je l’avais mise dans une des fontaines à Cully. Un passant a dû voir ce grand poisson dans la fontaine et l’avait signalé au garde-faune cantonal qui s’était déplacé à Cully pour le remettre au lac. Des habitants en avaient informé Pierre-Alain. Finalement, après discussion, et en tant que pêcheur professionnel, Pierre-Alain avait pu garder ce beau poisson-chat pour le proposer dans son restaurant. C’est un poisson au goût différent, mais les clients ont apprécié.