Colère, fatalisme et pragmatisme
Fermeture programmée des offices postaux
Mardi 29 octobre dernier, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe ! La Poste a en effet annoncé sa volonté de fermer 170 nouveaux offices de poste en Suisse. Dix-neuf guichets traditionnels se trouvent dans le canton de Vaud et trois dans le district de Lavaux-Oron : Forel, Mézières et Cully (Bourg-en-Lavaux). Les réactions n’ont pas tardé à se faire entendre (lire encadrés). S’ouvrent désormais les discussions et négociations entre la Poste et les communes, au centre de cette tourmente. Il s’agit de trouver des partenariats permettant à la Poste de trouver, dans les communes, des solutions de remplacement. Pour la Poste, les suppressions d’offices traditionnels se justifient par la baisse de moitié des opérations entre 2020 et 2023. Les versements aux guichets ont baissé de 68 %. Au-delà de la guerre des chiffres monte en puissance un débat opposant évolution technologique irrémédiable et… la place de l’humain, la Poste jouant un rôle important pour la vie sociale, en particulier des personnes âgées. Nous avons contacté les trois syndics des communes concernées dans le district, entre jeudi et vendredi dernier. Leurs réactions à chaud divergent parfois et démontrent en cela la complexité du processus dorénavant irrémédiablement engagé.
Jean-Pierre Haenni, syndic de Bourg-en-Lavaux, ne décolère pas : « Nous avons rendez-vous avec la Poste le 11 novembre ! Nous avons appris la nouvelle par les médias ! C’est la surprise et la stupéfaction ! Et non, nous n’étions pas au courant. Seul ce téléphone il y a un mois pour fixer ce fameux rendez-vous… Je peux vous le dire, nous allons nous battre, c’est certain. C’est inconcevable qu’un chef-lieu de district de plus de 5000 habitants n’ait plus de poste, alors que dans le même bâtiment se trouvent la préfecture et un office cantonal. Evidemment, nous serons à l’écoute le 11 novembre prochain mais on ne peut pas dire que la discussion part sur de bonnes bases… » Au surplus, le syndic indique qu’une concertation avec les deux autres communes touchées est évidente.
Patrick Emery, syndic de Mézières, a eu droit, lui, a une rencontre avec la Poste qui a présenté ses projets de restructuration. Cela ne l’empêche pas de commenter : « La première réaction à bien évidemment été la déception et le sentiment frustrant de perdre un service à la population, c’est une fois encore un pan de nos institutions qui s’érode. Tout une partie de la population se sent flouée par cet état de fait, mais c’est essentiellement un sentiment de résignation et de fatalisme qui se fait entendre. » Puis il remet l’église au milieu du village : « C’est bien à la Poste de trouver des partenaires pour mettre en place une filiale en partenariat et non à la commune d’entreprendre ces démarches. Nous avons pris acte des informations de la Poste et attendons qu’ils reviennent vers nous avec des compléments d’informations. »
Bernard Perret, syndic de Forel, joue, lui, la carte de l’apaisement : « Je dois dire que la Poste a été correcte avec les autorités de la commune et que l’esprit de collaboration est bon. Contrairement aux deux autres communes cela fait maintenant six ans déjà que Forel est en tractation avec la Poste. « Cela explique pourquoi ici les gens ne sont pas surpris par les annonces. Le Conseil communal avait déjà été informé de la situation. Ce qui se passe aujourd’hui n’est donc malheureusement pas une surprise. Une partie du deuil est faite » Avant d’ajouter : « La Municipalité est en recherche active et proposera des solutions pour pallier la fermeture de la Poste ». A l’instar de son collègue de Bourg-en-Lavaux, Bernard Perret assure que la thématique sera évoquée dans le cadre usuel des réunions de syndics.
Les réactions se multiplient
DPt | Les annonces faites par la Poste le mardi 29 octobre dernier ont évidemment suscité de nombreuses réactions à chaud et parfois assez virulentes sur les réseaux sociaux. Il a fallu à peine plus d’un jour pour qu’une pétition contre les décisions annoncées soit mise en ligne. Ainsi l’association citoyenne pour la défense des usagers du service public, le parti socialiste vaudois et la jeunesse socialiste vaudoise (entre autres) soutiennent une pétition intitulée « STOP à la fermeture des offices de poste ! ». Le texte est simple : « Je demande à la Poste de renoncer à fermer 19 offices de poste dans le canton de Vaud ». Les pétitionnaires rappellent au passage que le canton comptait encore 118 offices en 2018, 78 en 2024 et que si les mesures annoncées mardi entrent toutes en vigueur, alors il ne restera plus que 59 offices pour tout le canton. Ils précisent : « L’accès au service postal est aussi un ciment qui tient ensemble les différentes régions du Pays ». En une seule journée, la pétition avait déjà recueilli plus de 2000 signatures et ce lundi 4 novembre le chiffre dépassait les 10’000 signatures.
Plus près de nous, au lendemain de l’annonce faite par la Poste, le parti socialiste et indépendant de gauche de Bourg-en-Lavaux, a publié un communiqué de presse sous le titre « Non à la fermeture de la Poste de Cully ! ». Le PSIG parle « d’une attaque sans précédent contre le service public dans la région », tout en rappelant que le chef-lieu de district compte plus de 5000 habitants.
La Poste nous répond
DPt | Nous avons évidemment questionné la Poste. En guise de préambule, Silvana Grellmann porte-parole de la Poste, rappelle volontiers l’état d’esprit global qui préside aux réformes annoncées le 29 octobre dernier : « La Poste n’a en aucun cas l’intention de démanteler son réseau de filiales. Nous voulons les transformer, par exemple en filiales en partenariat avec des commerces. (Roberto Cirillo, le patron de la Poste, a évoqué mardi soir dernier au TJ des « petits magasins, des épiceries, des pharmacies ou encore des locaux communaux » ndlr). A l’avenir aussi, la Poste continuera d’être présente là où se trouve sa clientèle. La Poste entend maintenir environ 2000 sites desservis ».
Avez-vous des informations concrètes sur les communes de Forel, Cully et Mézières ?
Nous ne pouvons pas encore fournir d’informations concrètes sur les solutions qui seront adoptées dans les différentes localités.
Qui la Poste a-t-elle informé en amont de l’annonce de mardi dans le canton de Vaud et dans le district de Lavaux ?
La Poste a informé la population mardi 29 octobre sur les grandes lignes de la transformation de son réseau et non sur les solutions concrètes dans les différentes communes. Dans les différentes communes, nous informerons la population dès qu’une nouvelle solution sera annoncée. Il convient donc de distinguer ces deux types de communication.
D’une manière générale, concernant les entretiens avec les communes, nous sommes convaincus que nous trouverons de bonnes solutions pour les deux parties qu’avec les communes concernées. Les premiers entretiens que nous avons menés ont été, en grande partie, positifs. Certaines communes ont même proposé activement des solutions. Mais bien sûr, nous comprenons aussi que toutes les communes n’apprécient pas les adaptations de la même manière. C’est pourquoi nous poursuivons le dialogue avec toutes les communes et recherchons des solutions individuelles, adaptées au lieu en question.
Des contacts sont-ils déjà en cours avec des autorités ou de potentiels partenaires dans les 3 communes ?
A Forel, Cully et Mézières, les entretiens ont déjà eu lieu ou les rendez-vous ont déjà été fixés.
La Poste a-t-elle déjà un calendrier (même vague) du déroulement des opérations ?
C’est très variable et cela prendra encore du temps. Il faut savoir que nous devons d’abord évaluer les différentes options avec les communes avant de planifier la suite des opérations. L’objectif est d’adapter le plus rapidement possible les filiales transformées aux besoins et aux habitudes de la clientèle. Nous prendrons bien entendu le temps qu’il faudra pour discuter avec les communes. Dès que nous aurons trouvé des solutions, nous communiquerons sur le sujet.
Le canton en observateur attentif
DPt | Le Conseil d’Etat vaudois ne reste pas insensible à la situation. Le dossier de la Poste est suivi au Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIEP) dirigé par Isabelle Moret. « Cette dernière a rencontré les représentants de la Poste en septembre 2024, lors des entretiens annuels prévus avec les cantons. A cette occasion, la Poste a exposé sa stratégie 2025-2028 et répondu aux questions soulevées dont celles permettant de s’assurer que la mission de la Poste visant à fournir un service universel postal de qualité soit respectée » précise le département.
« A la suite de ce rendez-vous, le DEIEP s’est adressé à toutes les communes concernées par les mesures de transformation pour les informer sur l’état du dialogue avec la Poste ainsi que pour récolter leur position », ajoute encore le canton. Par ailleurs, ce dernier avait reçu un courrier le 29 mai dans lequel la Poste évoquait sa stratégie globale et son intention de réduire de 170 le nombre de ses filiales en exploitation propre. Elle a également informé le canton au début de chaque dialogue avec les communes concernées.
Deux interpellations en 2024 et un postulat (2020) ont été développés au Grand Conseil en relation avec la Poste. « Enfin, le DEIEP s’est proactivement adressé à toutes les communes concernées par les mesures de transformation pour s’informer sur l’état du dialogue avec la Poste ainsi que pour récolter leur position » conclut le canton dans ses réponses à nos questions.