Citycable hors les murs de Lausanne vendu à Sunrise, une opération tout sauf anodine !
La chronique de Denis Pittet
Sardou chantait : « Ne m’appelez plus jamais France, la France elle m’a laissé tomber ». Je chante « Ne m’appelez plus jamais Citycable, Citycable il m’a laissé tomber ». Le 15 mars dernier, la Municipalité de Lausanne lâchait un communiqué de presse qui allait en surprendre plus d’un. Notamment les membres de la commission chargée d’étudier le préavis traitant de la question, commission qui n’avait encore pas siégé au moment où l’Exécutif lausannois a décidé de communiquer. Idem pour le Conseil communal, lui aussi court-circuité. On lisait donc notamment ce jour-là que « Les Services industriels de Lausanne (SiL) ont conclu un partenariat avec Sunrise pour la reprise du réseau câblé situé sur dix communes avoisinantes de Lausanne, car la Ville souhaite concentrer et renforcer ses activités multimédia sur le territoire lausannois. » Qu’en termes polis ces choses-là sont dites.
Habitants, commerçants et entreprises de dix communes de la couronne lausannoise – dont Savigny – ont donc été mis devant le fait accompli et sans beaucoup d’informations précises. Jusqu’ici en tout cas. Cela représente près de 20’000 raccordements qui, pour une somme que la Muni de Lausanne a refusé de dévoiler, ont été vendus pour engranger un bénéfice coquet (on parle de dizaines de millions de francs) et améliorer l’abyssale situation financière de Lausanne. Tout le joli bla-bla mis autour de l’opération ne suffira pas à faire croire à autre chose qu’une bonne opération financière.
Perdre son opérateur internet, téléphone et réseau TV est tout sauf anodin. Je salue au passage l’excellent service d’aide de Citycable, toujours aimable et réactif ainsi que la compétence et le souci du détail et du travail bien fait des techniciens qui étaient sur le terrain et attribué aux dix communes qui sortent désormais du giron. Une petite équipe discrètement démantelée : des replacements au chauffage urbain, des départs anticipés à la retraite et des départs tout courts. La routine, quoi.
Mais revenons aux utilisateurs. C’est peu dire qu’un flou artistique règne aujourd’hui. Citycable est dans l’impossibilité de répondre à quelque question que ce soit puisque le bébé est désormais dans les mains de… Sunrise qui n’a pas l’air de trop se soucier de ce bibus. Sauf que pour l’usager c’est tout sauf un bibus : que va devenir mon adresse mail, celle que j’utilise pour des dizaines de login ? Login que je devrai tous reprendre. Avec évidemment quelques questions techniques plutôt compliquées pour le vulgum pecus, comme par exemple changer d’identifiant Icloud. Essayez… Et je ne parle même pas des mots de passe automatiquement générés et oubliés.
Mais il y a pire. Lausanne a vendu les raccordements mais également l’infrastructure, soit le câble physique. Et si vous ne voulez pas de Sunrise, alors vous aurez une mauvaise surprise. Parce que sans Sunrise, plus de câble. Et plus de câble, c’est le retour au bon vieux fil de cuivre, soit l’ADSL, au mieux combiné avec une borne 5G. Mais à l’heure où les besoins en haut débit ne font qu’augmenter (TV 4K, voir 8K, etc.) le retour à l’ADSL vous fera perdre dans le moins pire des cas au moins 100 Mbit/s. De ceci, Lausanne et sa juteuse opération n’en n’ont eu rien à cirer. Et l’utilisateur n’aura donc pas vraiment de choix.
La balle est désormais du côté de Sunrise qui doit s’attendre à des dizaines voire des centaines de questions et de demandes bien précises. Aujourd’hui paraît-il, Sunrise teste l’exercice de reprise avec un échantillon de 200 clients. Le gros des transferts est prévu début/mi-août. Quand tout le monde sera en vacances. On croit rêver ou on croit voir une autorité politique faire passer une mauvaise nouvelle au cœur de l’été, discrètement. Le procédé est… connu.