Cinéma – « Vortex » de Gaspar Noé
Des choses que l’on ne montre pas au cinéma
Charlyne Genoud | Inauguré l’année passée à Cannes et à Locarno, le dernier film de Gaspar Noé sort cette semaine sur les grands écrans, notamment sur celui du cinéma d’Oron.
L’imposant banal
Certains, certaines diront qu’il s’est calmé, lui préférera dire qu’il respecte son sujet. Gaspar Noé revient cette année avec un film moins trash dans le sens commun du terme: pas de scène de violence ni de sexe, peu de drogue. Pourtant la dureté du film est bien là; elle réside dans sa réalité. Documentant le banal dans tout ce qu’il a de plus imposant, le film prend pour objet l’universelle pente descendante vers la mort, en de longs plans-séquences. Le film illustre ainsi presque froidement la fin.
Nommer la pudeur
La mise au point est faite sur un couple approchant la huitantaine, habitant un appartement plein de souvenirs, de livres et de papiers, d’images et de pancartes, dans le nord-est de Paris. Un couple spécial, qu’incarnent puissamment Dario Argento et Françoise Lebrun : lui est critique de cinéma, alors qu’elle a été psychiatre, avant de développer un alzheimer, mot qui n’est jamais nommé durant les deux heures trente de film. L’absence de mot sur ce mal semble faire écho à une forme particulière de pudeur, qui semble propre à Gaspar Noé malgré son image publique de déjanté. L’alzheimer reste donc un protagoniste innommé.
Improvisation scindée
Outre ces deux personnages principaux, leur fils est incarné par Alex Lutz, qui lui aussi peine à se gérer malgré un statut de père qui le force à marcher droit, ou plus ou moins en tous cas. Les trois acteurs et actrices se donnent ainsi la réplique, ou faudrait-il dire l’anti-réplique puisque le scénario de Gaspar Noé ne comportait à l’origine aucun dialogue ? Tout a été improvisé lors du tournage en quasi-huis clos, donnant au film un ton singulier. L’originalité de jeu est relayée par un autre aspect saisissant: formellement, le film est profondément marquant puisqu’il place côte à côte les deux personnages pendant deux heures trente, tout en les séparant en deux petits écrans. Ce split screen permet ainsi de suivre de manière synchrone l’avancée de l’un et de l’autre des personnages, tout en conscientisant la séparation progressive qu’ils vivent et que le film narre. Cette séparation est montrée comme jamais auparavant au cinéma, d’une manière si crue et si vraie qu’elle perturbe, et fait de ce film une véritable expérience de vie.