Cinéma – « Mediterranean fever » de Maha Haj
Bad boy un peu voyou et petit chouchou

Un personnage caisse de résonnance. Le personnage principal de Waleed nous est présenté en deux séquences contextualisantes. Elles s’apparentent même à des séances d’interrogatoires : celles dont on écope lorsqu’on se rend chez le médecin. Ces dernières sont aussi exhaustives qu’intrusives, et permettent de connaître les émotions du personnage, notamment son état dépressif, tout comme des informations de bases sur lui telles que ses origines. Ces séquences annoncent par ailleurs le caractère malade du protagoniste d’un film dont le titre en annonçait la couleur. Waleed s’illustre ainsi rapidement comme la caisse de résonnance d’une société palestinienne tombée malade. Ceci s’amorce à l’image lorsque le personnage déprimé s’endort devant le journal télévisé racontant l’actualité du conflit, comme si ces yeux n’en pouvaient plus de ces mêmes images qui défilent. Les signes de conflits internes s’enchaînent ensuite, mais toujours par bribes. La situation initiale est ainsi résumée à la condition de cet homme qui traîne chez lui, déprimé, pendant que sa femme et ses enfants voguent dans l’espace public.
La musique du voisin
Bien vite, le fond sonore change dans l’appartement de Waleed. Un nouveau voisin vient d’emménager en face de chez lui, et fait beaucoup de bruit. Il œuvre à « à peu près tout dans le domaine de la construction », il est dynamique, charismatique: rien ne lie a priori nos deux protagonistes si ce n’est que tous deux sont hommes au foyer et ont donc le loisir d’organiser leur temps à leur guise. Des hommes d’intérieur qui ne se laissent pas définir par leur situation professionnelle, mais qui se reconnaissent l’un dans l’autre pour la première fois lorsque Jalal dit « comme moi, votre femme vous entretient ». L’aspect particulièrement admirable de ce détail de l’histoire, est justement que cet aspect reste un détail. Le film ne le thématise pas plus que dans cette ligne de dialogue, et il en fait de ce fait une norme, que l’on ne discute pas en regardant Mediterranean fever.
Frapper chez le voisin
Dans ce cadre novateur, l’histoire plutôt banale d’une histoire d’amitié entre un bad boy un peu voyou et un petit chouchou mal dans sa peau se déploie avec brio. Le personnage de Waleed parvient en effet à lier le tragique de sa situation dépressive, à une sorte d’humour absurde, lorsqu’il devient ami avec Jalal. Leur maladresse respective dans leur quête d’un lien d’amitié est quant à elle très drôle aussi, notamment parce que les deux quarantenaires s’illustrent comme de petits garçons lorsqu’ils vont frapper à la porte du voisin pour « traîner ensemble ». Comme souvent par ailleurs, le bad boy ténébreux se révèle être un cœur tendre. Les deux hommes questionnent à un moment du film leur valeur respective. Leurs régimes de croyances diffèrent. « Un lâche a peur de la mort. » « Non, un lâche a peur de la vie ». Face à ces questions existentielles, l’humour de mediterranean fever, disparait petit à petit en fin de film au profit de la gravité et de la lourdeur qui se cachait jusqu’alors derrière nos rires éventuellement nerveux.
Mediterranean fever, fiction de Maha Haj
Palestine, 2021, 108′, Vostfr, 16/16 ans
A voir au cinéma d’Oron, le lundi 26 décembre, à 18h

