C’est à lire – Monsieur Hubert aimait trop les belles voitures…
Un récit de vie à la fois bouleversant et drôle
Disons-le tout de suite, ce récit étonnant est celui d’un escroc. Certes, ses méfaits n’étaient pas gravissimes, ils l’ont néanmoins conduit plusieurs fois en prison.
Hubert Meyer, né en 1947, a raconté son existence tumultueuse à l’auteur Serge Heughebaert. Or le livre, de lecture agréable, constitue un véritable tableau social, qui s’appuie d’ailleurs sur les travaux d’autres écrivains, comme Janine Massard ou Luc Weibel, dans son fameux ouvrage, Pipes de terre, pipes de porcelaine. Hubert passe une enfance assez heureuse sur la Côte, au bord du Léman. Sa mère est employée de maison dans la propriété appartenant à des membres de la grande bourgeoisie protestante genevoise. Si ses « maîtres » témoignent d’une certaine bienveillance, l’enfant prend vite conscience de la différence entre les classes et de la condescendance des nantis envers le bas peuple. En même temps, Hubert restera fasciné par cette haute société qu’il ne cessera de fréquenter comme subalterne (patrons et banquiers richissimes, nobles, et même la reine d’Espagne à Lausanne). En 1955, il est placé à Broc dans un internat catholique tenu par des salésiens. Et que pensez-vous qu’il arriva ?… Le gamin est abusé par des prêtres. Plus tard, un comte, dont le nom apparaît en toutes lettres dans les journaux de l’époque, l’entraîne dans des « partouzes » assez sordides. Tout cela a-t-il contribué à l’homosexualité que Hubert affichera ostensiblement toute sa vie ? Seul lui pourrait répondre à cette question complexe.
Finalement, il deviendra chauffeur de maîtres. C’est là que commence son trop grand amour des belles voitures. Il va « emprunter » celles de ses patrons, avec une préférence pour les Maserati, Ferrari et autres Bentley ! Et va s’enchaîner la spirale des licenciements, condamnations pénales et emprisonnements, y compris en Espagne, où il menait, à Marbella et ailleurs, la belle vie avec ses amants… et l’argent des propriétaires des véhicules.
Un chapitre particulièrement intéressant contient des « révélations » de l’auteur sur des faits (bien connus alors du public) qui concernent la richissime famille d’Edmond Safra. Ce banquier et grand philanthrope, notamment en faveur d’organisations juives à travers le monde, connaîtra une mort tragique à Monaco, à laquelle, précisons-le, Hubert ne sera nullement lié. Le mécène était très attaché aux rites à la fois askhénaze et sépharade, bien évoqués dans le livre. Un autre passage plus léger, celui où Hubert devient chauffeur occasionnel de l’évêque de Fribourg, qui lui fera même rencontrer le pape.
Finalement le personnage, âgé aujourd’hui de 76 ans, est assez sympathique et touchant, avec son mélange de naïveté, de culot, de regrets, de souvenirs émus de son enfance et de ses parents… Alors, rappelons ces mots tirés de Matthieu 7 : 1 « Ne jugez pas, et vous ne serez point jugés. » Et pour finir, disons clairement qu’aucun des faits mentionnés ci-dessus ne relève de notre part de la diffamation. Ils ont tous été dûment cautionnés par l’auteur et par Hubert dans sa postface.
« Monsieur Hubert » de Serge Heughebaert
Un chauffeur (très) particulier
Editions Cabédita, 2024, 140 p