C’est à lire – Franz Kafka : 1914-2024
Jonas Montenero et Titouan Menétrey,pour le Club de lecture d’Oron | L’année 2024 marque les cent ans de la mort de l’écrivain austro-hongrois Franz Kafka. Aussi maigre que puisse être ce petit hommage, le Club de lecture d’Oron tenait à vous inviter en cette occasion et à vous (re) plonger dans l’œuvre cauchemardesque, torturée et extraordinairement intemporelle de cette grande figure de la littérature mondiale.
Pourquoi lire Kafka 100 ans plus tard ?
Notons d’abord que l’accès à l’œuvre de Kafka ne nous était pas promis, c’est par une série d’heureux événements que nous pouvons aujourd’hui lire certaines de ses œuvres. Kafka détruisait presque systématiquement ce qu’il écrivait, cela jusqu’à demander dans son testament à son ami Max Brod de brûler tout ce qu’il laissait comme traces écrites dans le monde des vivants. On estime aujourd’hui que cette fâcheuse habitude serait responsable de la perte de 90 % de ses écrits.
Ce qui marque surtout à la lecture de Kafka, c’est l’univers absurde et sombre qui se construit à travers les mots. Un univers qui échappe bien souvent à la raison et dans lequel les personnages se perdent, impersonnel et bureaucratique. Les représentants de la loi et de l’état ne font qu’accomplir des tâches dans une grande machine, ne connaissant pas les tenants et les aboutissants de leurs actions et de leurs graves décisions. Il prophétise ainsi l’avènement au pouvoir des régimes totalitaires qui marqueront, comme nous le savons tous, de leur destruction le XXe siècle.
Le monde déshumanisé de La Métamorphose
En accord avec leur époque, les héros dans les œuvres de Kafka n’ont rien d’héroïque : ce sont des salariés normaux, sans rien d’extraordinaire, des fonctionnaires et des petits banquiers. Dans La Métamorphose, nouvelle sortie en 1915, le protagoniste, Gregor Samsa, est voyageur de commerce. Son sort est marqué, dès la toute première phrase du livre, par un événement dont l’absurdité l’a rendu célèbre : il se réveille, un matin, transformé en insecte. Inutile de demander le comment, ni le pourquoi. Ce qui importe, c’est de découvrir, dès ce moment, la métamorphose intérieure de Gregor et de son entourage.
Etant celui qui assurait le bien-être matériel de sa mère, son père et sa sœur, dont aucun n’exerce d’activité lucrative, Gregor, dès qu’il se retrouve inapte à se rendre au travail, devient objet de répulsion pour sa famille. Phénomène d’un monde où les rapports humains se restreignent à l’ordre impersonnel de l’argent, où la plupart des individus, exerçant des activités absurdes, deviennent objet de dégoût et de honte, dès que, incapables de continuer, leur entourage se met à les voir comme Gregor lui-même se voit : misérable et insignifiant, comme un insecte.
C’est le portrait psychologique de celui qui, un matin, refuse le monde dans lequel il est pris. Ce monde, c’est celui du travail et de la finance, des bureaux et de la paperasse, et sa mise en scène « kafkaïenne », actuelle après cent ans, contribue à faire de Kafka une figure littéraire moderne incontournable.