Arts Vivants – Phèdre ! – Carmen. – Giselle…
Trilogie de François Gremaud par la 2bcompany au Théatre du Jorat
Le Théâtre du Jorat fait fort pour son entrée dans le mois de septembre en consacrant une journée complète à la trilogie toute féminine et féministe du dramaturge et metteur en scène vaudois François Gremaud. A travers les personnalités hautes en couleurs de Carmen, de Giselle et de Phèdre, le lauréat 2022 du Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la culture.
Rares sont les élèves qui ne se sont pas endormis d’ennui devant la lecture d’une œuvre de vacances. Car tous patrimoniaux que soient Le Voyage au bout de la nuit, Du côté de chez Swann ou Germinal, reconnaissons que l’œil parfois non-attentif, le besoin de repos et les aprioris négatif des étudiantes et des étudiants ne mettent pas toujours ces derniers dans les conditions idéales à l’appréciation de tels pavés. Ajoutez à cela un vieux prof de français dépressif qui récite monotonement du Roland Barthes avec le charisme d’une huître endormie et le cocktail est parfait pour dégoûter à jamais tout être normalement constitué de tout effort littéraire.
C’est sans doute pour combattre ce fléau que le comédien, metteur en scène et dramaturge vaudois s’est mis en quête d’une forme de nouvelle pédagogie littéraire. Une façon toute ludique de réimaginer la façon la plus adroite de transmettre l’amour d’un texte. Une réflexion que l’auteur a menée depuis 2017 avec Phèdre !, premier spectacle de la 2bcompany.
On y retrouve l’acteur français Romain Daroles, qui, en préambule de cette même pièce, résume de façon assez explicite ce qui va suivre :
« Phèdre ! – qui s’écrit avec un point d’exclamation, c’est important – est une pièce de théâtre contemporaine, une comédie, qui met en scène un façon de professeur qui, prétextant parler justement de cette pièce – un petit peu, si vous voulez, comme je le fais en ce moment – finit par raconter, de façon plus ou moins enjouée, une autre pièce – que vous connaissez certainement – considérée celle-ci comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature classique, je veux parler de Phèdre – sans point d’exclamation cette fois – Phèdre de Jean Racine, sur laquelle nous allons rapidement revenir. »
Exit ici le cadre austère d’une salle de classe ou d’un auditoire universitaire. On parle comme on pense, évitant les censures pudibondes inhérentes au cadre scolaire. Les mots sont simples, percutants, efficaces. La conférence est drôle, instructive, fait réfléchir et se passionner pour cette œuvre que l’on pourrait trop rapidement taxer de dépassée.
Passant de classe en classe et de théâtre en théâtre en Suisse romande, puis en France, la pièce rencontre un succès considérable si bien qu’elle poursuit encore aujourd’hui une tournée qui attire une foule de curieux.
Fort de ce succès, François Gremaud poursuit sur sa lancée en décembre 2021 avec Giselle… Cette fois, c’est la danseuse néerlandaise Samantha van Wissen qui s’y colle et qui commence, comme en écho au premier spectacle avec ces mots :
« Giselle… – qui s’écrit avec trois points de suspension, c’est important – est un ballet contemporain, et plus précisément une comédie-ballet, qui met en scène une façon de comédienne-danseuse qui, prétextant justement parler de ce ballet – un petit peu, si vous voulez, comme je le fais en ce moment – finit par en raconter, de façon plus ou moins engagée, un autre, considéré, celui-ci, comme l’une des chefs-d’œuvre du ballet romantique, je veux parler de Giselle – sans points de suspension cette fois-ci – Giselle, un ballet en deux actes composé par Adolphe Adam sur un livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et présenté pour la première fois, dans une chorégraphie de Jean Coralli et Jules Perrot, le 28 juin 1841 à l’Académie royale de musique – aujourd’hui Opéra de Paris ».
La formule reste inchangée, seuls varient l’artiste et l’œuvre. Oscillant toujours entre conférence luchiniesque, spectacle de stand-up et discussion de coin de bar, les œuvres de François Gremaud rebattent tout à la fois les cartes de l’approche littéraire et de la démarche spectatorielle.
A vérifier le 3 septembre au Théâtre du Jorat avec, non seulement la présentation des deux premières pièces-conférences ici citées (à 11h pour Phèdre ! et à 14h30 pour Giselle…), mais également avec le nouveau venu Carmen, à 17h, dans lequel Rosemary Stanley retracera les contours de l’héroïne de Prosper Mérimée mise en musique par Georges Bizet dans ce qui reste aujourd’hui l’un des opéras les plus joués au monde.
Trois caractères féminins qui ont fait l’histoire culturelle francophone et qu’il vaut sans doute aucun la peine de remettre sur le devant de la scène tant elles ont de question à nous poser sur notre époque actuelle.