Arts Visuels – De la vidéo au musée :
« Born digital » au Kunsthaus de Zurich
Au Kunsthaus de Zurich sont diffusées jusqu’au 29 septembre des vidéos issues de la collection d’art médiatique de cette institution.
Glitcher pour mieux jouer
En onze œuvres, l’exposition dépeint l’esprit du nouveau millénaire. Quelques vidéos de courte durée illustrent ainsi les questionnements du tournant du siècle face au changement numérique. On peut ainsi y visionner sur trois larges écrans dans une salle obscure « A Woman Under the Influence – to cut a long story short » de Tatjana Marušić, qui signale par du glitch la perturbation d’images numériques en détournant les séquences d’un téléfilm. Une femme blonde suisse-allemande rappelle l’héroïne du film éponyme de Cassavettes, alors que son visage se pixellise et se déforme à l’écran. Si l’incarnation très fine de l’aliénation par Gena Rowlands est absente de l’œuvre de Marušić, on la retrouve dans le traitement des images de manière fascinante. Une manière de signifier la prégnance du traitement de l’image du nouveau siècle qui s’entame.
I love Switzerland
L’exposition met en outre le focus sur les problématiques d’appartenance à une nation, en mettant en avant « La Suisse existe » de Christoph Büchel, qui pirate le discours de bonne année du président de la confédération d’alors, Adolf Ogi. Juxtaposée aux œuvres de Com&Com, duo d’artistes suisses qui ont créé la série « I love Switzerland », elle prend tout son sens dans la représentation d’une époque et dans la satire de la fierté nationale suisse. Sur une table est par ailleurs disposé un écran tactile présentant un catalogue d’une cinquantaine de vidéos issues de la même période, laissant au public le loisir de visionner ce qui l’intéresse. L’occasion de revoir quelques-uns des chefs-d’œuvre de Pipilotti Rist entre-autres.
Les dispositifs de visionnement en question
L’exposition est ainsi l’occasion pour des amateurs et amatrices de cinéma de se poser des questions sur les dispositifs de visionnement. Alors que les pratiques de streaming se répandent et que les salles se vident, aller voir des vidéos au musée constitue une activité singulière. Il est certes fréquent de voir une ou deux vidéos dans une exposition, mais ne voir que cela est plus rare. « Born digital » propose dès lors des modes de visionnement très variés : une vaste table tactile, qui fait regarder vers le bas, tout comme un large écran posé à même le sol. L’exposition accueille aussi son public dans une salle rouge en premier lieu, séparée du reste de l’exposition par un fin rideau de fils noirs faisant vaguement écho au film qu’elle propose. « Die umgekehrte Rüstung » (l’armure inversée), créée en 2002 par Yves Netzhammer et Bjørn Melhus est une œuvre en CGI (effets spéciaux numériques), qui montre des corps de statuettes en volume se rencontrer. La vidéo de vingt-trois minutes fascine par son étrangeté.