Agriculture – Swiss Expo tire la langue… bleue
Le plus grand concours laitier d’Europe devait se tenir ces temps à Genève. Si la maladie de la langue bleue est sans danger pour l’homme, elle décime des troupeaux de bovins. Pour éviter toute propagation supplémentaire, les organisateurs ont décidé d’annuler la manifestation. L’occasion de faire le point dans la région.

Pour Olivier Sonnay, agriculteur et éleveur de bovins à Ecoteaux, la langue bleue semblait être une maladie lointaine. Pourtant, l’automne dernier, il a vu son taureau Boulon, un animal robuste de 1’300 kg en parfaite santé et âgé de neuf ans, décliner rapidement : « Je vais quotidiennement observer mes vaches pour voir si tout va bien. C’est à ce moment-là que j’ai vu que Boulon n’était pas dans son état normal. Du jour au lendemain, il est devenu tout penaud et amaigri », se souvient-il. Alerté, Olivier a immédiatement contacté son vétérinaire, qui a rapidement suspecté la maladie de la langue bleue. « Jamais nous n’aurions pensé être touchés par ce phénomène. La bouche de Boulon restait complètement irritée ».
Malgré les soins apportés, la maladie progresse et s’installe dans ses membres inférieurs. « Nous avons tout fait pour le sauver. Mais après deux semaines, l’animal n’arrivait plus à se lever et ne mangeait presque plus. C’est à ce moment que le vétérinaire nous a conseillé de l’euthanasier ». Boulon, seul animal contaminé de l’exploitation, a depuis été remplacé par Poussin, un jeune taureau de 18 mois. Ce scénario n’est pas isolé : depuis août 2024, la langue bleue a touché 1’350 élevages bovins en Suisse, dont 86 dans le canton de Vaud. Les vaches ne sont pas les seuls ruminants touchés, puisque 16 élevages de moutons vaudois ont recensé la maladie durant cette même période, contre 759 au niveau national, selon l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).

La maladie de la langue bleue, c’est quoi ?
Aussi connue sous le nom de Bluetongue, la maladie se transmet par les piqûres de petits moustiques appelés cératopogonidés. Chez les moutons et les bovins, elle peut provoquer des symptômes graves : fièvre, inflammations des muqueuses, avortements ou encore des enflures marquées au niveau de la tête. Si ces signes apparaissent, les éleveurs doivent immédiatement alerter un vétérinaire, car cette épizootie est soumise à une déclaration obligatoire. En Suisse, le virus a refait surface le 28 août 2024, lorsqu’un cas a été détecté dans une exploitation bovine du canton de Vaud. Après avoir atteint l’Europe dans les années 2000, la langue bleue s’était introduite en Suisse pour la première fois en 2007, avant de disparaître en 2020.
Pour limiter les effets de l’épidémie, les autorités fédérales recommandent vivement la vaccination, qui réduit les symptômes et la mortalité. La Confédération a débloqué un budget de 10 millions de francs pour soutenir les éleveurs et les inciter à vacciner leurs animaux. Outre la vaccination, d’autres mesures préventives sont nécessaires. L’OSAV rappelle qu’il est conseillé de rentrer les animaux avant le crépuscule, d’installer des moustiquaires et barrières physiques, d’éliminer les points d’eau stagnante ou encore d’utiliser des répulsifs ou insecticides pour limiter la présence de moucherons. « Pendant l’hiver, la période dite « d’inactivité des vecteurs » permet d’assouplir certaines mesures, mais les éleveurs doivent rester vigilants et signaler tout cas suspect », souligne l’office fédéral. Pour Olivier Sonnay, l’observation sera de mise dès le mois de mars.
Swiss Expo reporté pour éviter les contaminations
Le caractère international du premier rendez-vous d’Europe de l’élevage bovin est une des raisons principales de son annulation. Les reports, la manifestation connait bien le sujet, puisque depuis 2020 et le coronavirus, elle ne s’est déroulée qu’une seule fois. En 2023, le manque d’exposants a contraint les organisateurs à prolonger leur pause. Il faudra attendre 2024 pour que bovins et humains rejoignent le site de Palexpo, à Genève.
Initialement prévue pour ce mois de janvier, l’exposition a été reportée à janvier 2026. Le comité d’organisation a jugé que maintenir l’événement, dans un contexte où des milliers d’exploitations sont touchées, exposerait les éleveurs à des dangers inutiles : « Faire prendre des risques à tous les éleveurs ne fait pas partie de notre vocation ». Le report de Swiss Expo illustre les défis auxquels les éleveurs font face dans un contexte de crise sanitaire. Pourtant, cette décision reflète aussi une volonté d’agir avec responsabilité pour protéger l’ensemble de la filière. « La passion ne doit pas l’emporter sur la raison », conclut le comité, appelant à l’unité et à la résilience.
Hors de nos frontières
En Europe, on observe une tendance à la baisse pour le mois de décembre dernier, bien que des infections soient encore signalées, principalement chez les bovins, avec des foyers notables en Allemagne (648 foyers), en France (9’465 foyers) et en Grande-Bretagne (188 cas). En Suisse, on observe une concentration des infections dans certaines régions spécifiques du pays.
Deux questions à l’OSAV
La vaccination garantit-elle à 100% la protection de la maladie ?
La vaccination ne protège pas les animaux d’une infection, mais elle permet de réduire les symptômes et la mortalité.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux éleveurs inquiets face à cette épidémie et à ses conséquences ?
La vaccination est la seule mesure qui permette de protéger les animaux d’une maladie grave et d’éviter des pertes économiques massives et de longue durée. Les branches ovine et bovine, la Société des vétérinaires suisses (SVS), les services de santé animale, l’OSAV et les vétérinaires cantonaux recommandent donc vivement aux éleveurs de faire vacciner leurs animaux à temps contre la maladie de la langue bleue.
Pour les bovins, la vaccination de base doit être effectuée de janvier à mars, pour les moutons en janvier ou février, avant le début de la saison d’agnelage. La Confédération participe aux coûts des vaccins.