A Plateforme 10, Lausanne, jusqu’au 25 septembre
TRAIN ZUG TRENO TREN, la grande exposition de l’année !
Nous voici à nouveau à Plateforme 10, cette fois pour une exposition se déroulant sur trois espaces. Elle est centrée sur les rapports
que les artistes entretiennent avec le train, ce moyen de locomotion qui a révolutionné le monde.
Par Pierre Jeanneret
Or, comme le grand site muséal lausannois jouxte la gare CFF et ses voies, nous voici plongés dans l’univers du rail. On commencera par le MCBA (Musée cantonal des Beaux-Arts), où la visite se déroule sur un fond visuel et sonore qui nous met dans l’ambiance. Le 19e siècle voit l’irruption du chemin de fer dans la peinture, notamment celle des Impressionnistes. Parmi les nombreuses œuvres provenant du monde entier qui occupent ce premier espace de l’exposition, retenons-en quelques-unes. On est accueilli par une étonnante Locomotive en marche en aluminium et bois de 1931. Le train, incarnation même de la vitesse et de la modernité, a beaucoup séduit les Futuristes, dont Pippo Rizzo et son Train de nuit, qui montre la puissance d’une locomotive dont le mouvement est décomposé.
Quant au thème de la gare, il est aussi lié au mystère. On verra notamment quatre magnifiques toiles du Belge Paul Delvaux, continuateur de l’œuvre de Magritte. Il y règne, par exemple dans Les trois lampes, une atmosphère étrange, avec la présence d’enfants et de jeunes femmes aux seins nus ou en toges, à côté de rails et d’éléments mécaniques. Tout à la fois hyperréalistes et chargés de mystère, les toiles de l’Américain Edward Hopper (1882-1967) sont empreintes de solitude et d’immobilité. Le visiteur peut aussi visionner plusieurs extraits de films, dont certains liés à l’érotisme ferroviaire, notamment une séquence d’Hitchcock qui se termine par l’entrée d’un train dans un tunnel, un thème éminemment freudien ! Quant à Georges Méliès, l’inventeur du cinéma de fiction, il a repris en 1904, dans un film consacré (déjà) au tunnel sous la Manche, le sujet de la catastrophe ferroviaire cher à Zola dans La bête humaine. On notera aussi la présence du train dans l’œuvre du surréaliste Giorgio de Chirico, où locomotives et wagons sont comme déconnectés de ses bâtiments néo-antiques plongés dans la solitude.
Après avoir visité cette première partie de TREN, il est bon de se ménager une pause dans l’un des bistrots qui jouxtent le MCBA.
A Photo Elysée, il n’y a pas que des photographies !
Pour la suite de l’exposition, on se rendra dans le nouveau bâtiment récemment inauguré, dont on appréciera les magnifiques espaces et la luminosité. Au sous-sol (pour des raisons évidentes de conservation), voici une présentation presque surabondante et un peu hétéroclite, néanmoins passionnante. Photographies d’intérêt historique, comme celles de la construction de la gare Saint-Lazare à Paris sous le Second Empire, y côtoient affiches pour la ligne du Simplon, tableaux dont le célèbre Pont de l’Europe de Gustave Caillebotte et extraits de films… Parmi ceux-ci, L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1895) des frères Lumière, qui marque les tout débuts du cinéma, La Roue d’Abel Gance qui met en valeur la fumée et la vapeur de la locomotive, ou encore Metropolis de Fritz Lang (1925), dénonciation prémonitoire du monde de la machine déshumanisé. Plusieurs tableaux rendent bien l’atmosphère sur les quais de gare (attente, chargement des bagages, adieux), ou celle qui règne dans les compartiments des wagons de voyageurs.
Les réalités sociales et politiques liées au chemin de fer ne sont pas oubliées. Mentionnons une affiche pour le film La Bataille du rail de René Clément (1944), qui exalte la Résistance dans les rangs des cheminots français, ou encore l’évocation des trains menant vers les camps de la mort nazis comme Ravensbrück ou Auschwitz. Le labeur des travailleurs du rail est également honoré, ainsi que leurs luttes syndicales. Si l’on en a encore la force au terme de cette visite un peu épuisante, on ira jeter un coup d’œil, au premier étage, dans l’espace dévolu au MUDAC (Arts décoratifs), où l’on verra notamment un ensemble de lampes ferroviaires et de maquettes fantaisistes des différentes gares à travers le monde, sur des supports bien adéquats de valises.
En sortant de cette triple et immense exposition qui donne un peu le tournis, et en voyant passer les trains dans l’espace qui sépare les deux bâtiments, le visiteur aura vraiment l’impression d’avoir été imprégné par les multiples aspects des regards liés au chemin de fer !
Pierre Jeanneret
« TRAIN ZUG TRENO TREN. VOYAGES IMAGINAIRES »,
Plateforme 10, Lausanne, jusqu’au 25 septembre.