Billet sur les votations du 30 novembre
Statu quo pour le service militaire et pas de « hold-up » pour les héritiers !

Christa Calpini, pharmacienne et ancienne députée | Au niveau fédéral, le peuple suisse se prononçait sur deux initiatives populaires. La première, intitulée « Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen) », a été sèchement refusée à 84,1 % des voix. Proposée par les membres « Association Service Citoyen » et soutenue par les jeunes du Parti du Centre, du PLR et des Verts libéraux, elle visait à faire évoluer le service militaire obligatoire actuel vers un service pour tous, hommes et femmes, que ce soit dans l’armée, dans la protection civile – dont les effectifs sont garantis et renforcés – ou dans des domaines liés à la protection de l’environnement, le secours en cas de catastrophes, la cybersécurité, l’éducation, l’agriculture ou l’action sociale. Le but était que chaque citoyen contribue à la sécurité et la solidarité du pays. Dans cette campagne, le thème de l’égalité des sexes a souvent été évoqué. Alors que les partisans du OUI y voyaient une opportunité pour favoriser l’égalité, les opposants pensaient exactement l’inverse : la situation des femmes serait aggravée, elles qui assument déjà tant de tâches non rémunérées utiles à la société. Ce projet pouvait aussi être considéré comme un plus pour les jeunes femmes en matière d’accès à des compétences nouvelles, des réseaux et des expériences inaccessibles jusqu’alors, avec, à la clé, plus d’opportunités sur le marché du travail. Ce service aurait aussi renforcé non seulement la cohésion nationale (rencontres entre jeunes de tout le pays) mais aussi la sécurité au sens large, à savoir, sanitaire, environnementale, civile et militaire. Si le NON s’est imposé aussi sèchement, c’est principalement dû à la logistique à mettre en place et aux coûts. Montants de l’assurance militaire et gestion administrative en hausse pour la Confédération et les cantons. Quant aux entités économiques, elles auraient subi une augmentation des allocations pour pertes de gain et davantage d’absences au travail. C’est aussi la peur de voir la mission première de l’armée être malmenée en élargissant le champ du service à d’autres activités. Je pense que ce projet issu de la société civile méritait mieux que ce refus sec et sonnant. Tout évolue, pourquoi pas le service militaire ? Bref, la population a préféré le statu quo défendu par les ténors de tous les partis, de la gauche à la droite (à quelques exceptions près), à l’inconnue d’un service de milice plus moderne et plus rassembleur.
Le deuxième objet est l’Initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) » et elle n’a pas passé la rampe avec un refus net à 78,3 %. Lancée par les jeunes socialistes, elle exigeait un prélèvement de 50 % sur les parts de succession ou de donation dépassant une franchise de 50 millions. Deux tiers des recettes seraient revenues à la Confédération, un tiers aux cantons afin de financer des programmes en faveur du climat. Affirmer que les plus riches sont ceux qui polluent le plus n’est pas faux puisqu’il est prouvé que l’empreinte écologique et notamment CO2 est proportionnelle au niveau de vie. Il paraît donc logique que les nantis contribuent davantage au financement de la politique climatique. Cependant, le moyen proposé était inacceptable. Avec un taux aussi élevé que 50 %, les 2500 contribuables concernés auraient pris illico la poudre d’escampette. Les ultrariches possèdent souvent plusieurs logements dans différents pays et seraient allés là où c’est attractif pour les grandes fortunes. La conséquence aurait été la perte d’autres impôts tels le revenu, la fortune et j’en passe, eux qui financent les services et prestations publics tout au long de l’année. Autre problème, la plupart des personnes qui disposent d’une telle somme ne l’ont pas à la banque ou sous le matelas. L’argent est injecté dans des entreprises, des bâtiments, des agencements, des machines ou des brevets. Devoir payer un impôt aussi colossal pourrait obliger les héritiers à vendre, bloquerait les investissements, freinerait la modernisation avec des conséquences sur les emplois. Le peuple a sagement refusé un projet extrémiste et sans nuances : pourquoi 50 millions et rien pour 49 millions, pourquoi aucune exception, ni pour le conjoint survivant ou les descendants, ni pour les dons faits aux organisations d’utilité publique ou aux communes ? Aujourd’hui, l’impôt sur les successions est l’affaire des cantons et des communes. Il doit rester modéré pour être accepté tant il touche à des domaines sensibles de l’intimité familiale ou du droit de propriété.
Ce 30 novembre, la population vaudoise se prononçait également sur trois objets : deux modifications constitutionnelles et une Initiative populaire.
« Étendre le droit de vote aux Vaudoises et Vaudois, y compris de l’étranger, pour l’élection des conseillères et conseillers aux États » a été accepté à 63,9 % des voix. Avant le débat sur ce sujet, j’ignorais que les Vaudois (es) établis à l’étranger ne pouvaient élire leurs deux représentants du canton à Berne. Je parlais souvent avec un cousin fribourgeois de l’étranger et nous échangions avant les élections. Tout résident étranger qu’il était devenu après avoir habité et travaillé toute sa vie sur sol helvétique, il ne manquait jamais un scrutin. Le résultat de ce jour est parfaitement logique et c’est heureux que le canton de Vaud rejoigne les cantons accordant ce droit.
« Octroyer le droit de vote et d’éligibilité aux personnes sous curatelle de portée générale en raison d’une incapacité durable de discernement » est le second objet cantonal soumis au vote. Il a été refusé à 71,4 % des voix. Là aussi, j’avoue mon ignorance de ne pas savoir qu’une personne mise sous curatelle de portée générale est exclue du corps électoral et perd ses droits politiques. Il s’agit d’une discrimination fondée sur le handicap et donc contraire à la Convention de l’ONU ratifiée par la Suisse. Pendant plusieurs années, je me suis occupée d’une personne manquant de discernement mais non sous curatelle. Force est de constater qu’elle votait selon les arguments que je lui avançais donc sous mon influence !
Le troisième objet cantonal soumis au vote est l’initiative populaire « Pour des droits politiques pour celles et ceux qui vivent ici ». C’est un refus à 63,6 %. Accorder le droit de vote et d’éligibilité cantonal aux personnes de nationalité étrangère domiciliées dans le canton depuis 3 ans au moins, et en Suisse depuis 10 ans, n’a pas convaincu. Si les objectifs de l’initiative sont louables en matière d’intégration, le fait est que les personnes étrangères peuvent en tout temps accéder aux droits politiques cantonaux par la voie de la naturalisation qui reste le processus ordinaire d’accès à la pleine citoyenneté politique. Voter, n’est pas un geste anodin. C’est participer à la souveraineté populaire, à la définition des règles communes, à la désignation de ceux qui gouvernent et à la possibilité d’être élu. Ce pouvoir implique aussi une responsabilité : celle d’appartenir pleinement à la communauté politique. Cette appartenance passe par la citoyenneté suisse. Devenir Suisse est un choix fort. Accorder le droit de vote cantonal aux non naturalisés reviendrait à diluer cette signification, à confondre résidence et citoyenneté. Personne ne conteste que les étrangers du canton de Vaud contribuent fortement à la vitalité de notre société par leur travail dans nos hôpitaux, nos entreprises, sur les chantiers. Ils paient leurs impôts et élèvent leurs enfants ici. Leur rôle est essentiel et apprécié. Certains se satisfont de ce statut. D’autres franchissent le pas, plusieurs milliers par année dans notre canton, et demandent à devenir citoyens suisses. Cette démarche démontre une volonté forte de s’intégrer et de participer à la vie politique et donc de voter. Une majorité des Vaudois (es) défend ce point de vue.


