Servion, Théâtre Barnabé – Canto ergo sum
Jules César par la Compagnie Broadway
De feuilles de vignes en slips de sphinx, de fille reniée en babouches égyptiennes, la Compagnie Broadway nous invite à une plongée musicale dans la vie trépidante (et quelque peu romancée) du nommé Jules César. Humour, danse, chants, autant de lux in tenebris nécessaires à l’approche de l’hiver.

S’attaquer au mythe du péplum comique peut sembler relever d’une forme de folie. Face aux chefs-d’œuvre d’humour qu’ont pu être La Vie de Brian ou Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, la tâche semble être plus facilement vouée au four romain qu’au nec plus ultra. Alors, si a fortiori, on souhaite se priver du medium cinématographique et de ses nombreux artifices, ma foi fort pratiques, pour lancer un tel projet sur scène, sans filet aucun, il est sensé de se méfier davantage. Si, enfin, on décide, pour le mettre en scène, d’user de la comédie musicale, art qui nécessite la maîtrise conjuguée du chant, de la danse et du jeu, plus aucun doute n’est permis : Deliriant isti Servionni (ils sont fous ces Servionnais) !
De facto, ce projet ne tient désormais plus du théâtre-fiction. De fait, voici que depuis ce vendredi 14 novembre, est présentée, au sein du Théâtre Barnabé et pour plusieurs semaines encore, la nouvelle création de la Compagnie Broadway qui correspond ad litteram à la description faite ci-dessus. Ce spectacle, c’est Jules César, puisque le meilleur ennemi des irréductibles gaulois n’est autre que le héros de cette douce farce musicale. La Compagnie Broadway, on ne la présente même plus, c’est elle qui, depuis des années remplit in extenso l’immense café-théâtre sis au bord de la route Cantonale. Une troupe composée non seulement d’acteurs et d’actrices, mais aussi de professionnels du monde du spectacle en tous genres ; chorégraphes, librettistes, costumiers ou musiciens, la troupe résidente semble mettre son veto à cette tendance qui voudrait que les compagnies de théâtre réduisent bien souvent leurs effectifs au strict minimum. Ici, pas de création à deux ou trois : Vitus unita fortior !
L’histoire commence post mortem Asterix, soit peu après que les romains aient fini par battre le fameux village gaulois qui résistait encore et toujours à l’envahisseur. La Gaule entre ses mains (ce qui laissera toute place à quelques jeux de mots biens sentis…), il ne manque alors à César (Julien Opoix) qu’une dernière chose à accomplir : un mariage en bonne et due forme. Direction l’Egypte, en compagnie de son fils Brutus (Loïc Fleury), de sa fille Brutasse (Maureen Béguin) et du centurion Galaxus (Noam Perakis), pour aller séduire la belle Cléopâtre (Tania Zoppi) puisqu’odit verus amor nec patitur moras. Commence alors un récit digne d’un road movie (ou dans ce cas précis, d’une via fabula), où nos héros traverseront mers et déserts dans une consécution dantesque de péripéties, jusqu’à pénétrer dans le palais de celle dont le nez fait encore parler plus de 2000 ans après. Rien ne s’y passera pourtant comme prévu, Cléopâtre s’amourachant davantage du jeune Brutus que de son paternel…
S’il est une chose que l’on se doit de concéder au Théâtre Barnabé, c’est un sens inné du spectacle, de l’attractionnel, de l’épate et la vis comica. D’où un taux de remplissage à faire pâlir plus d’un théâtre. De chorégraphies savamment orchestrées en effets visuels bluffants, nous voilà plongés in medias res dans un récit tantôt burlesque, tantôt dansant, qui fait passer fort vite ces deux heures de prestation musicale et scénique. Alors bien sûr, le révisionnisme historique dont fait preuve Jules César ferait pâlir plus d’un prof d’histoire bloqué dans son sensu stricto, mais on se situe ici bien plus dans le delectatio que dans l’utilitas. En témoigne la ferveur des applaudissements une fois le show porté à son terme et la joie communicative de la troupe au moment des saluts.
En de nombreux lieux encore, le terme seul de « divertissement » semble tenir du gros mot. La Compagnie Broadway semble, elle, assumer pleinement son rôle d’amuseuse publique et, probablement restera-t-elle dans cet esprit ad vitam aeternam, du moins peut-on le souhaiter vivement.







