Journée des droits de l’enfant
« La violence n’est pas un choix éducatif »
Dès janvier 2026, les parents devront éduquer leurs enfants sans recourir à la violence. A l’occasion de la Journée des droits de l’enfant, retour sur l’inscription, en septembre dernier, du droit à une éducation non violente dans le Code civil suisse.

Diane Zinsel | En Suisse, près d’un enfant sur deux subit de la violence physique ou psychologique, 1 sur 5 est exposé de manière répétée à de la violence psychologique, tel que cris, insultes ou menaces et 1 sur 14 est régulièrement puni physiquement. Ces données ressortent de la dernière enquête « Comportements punitifs des parents en Suisse » menée en 2024 par l’Université de Fribourg et réalisée à la demande de Protection de l’enfance suisse, un organisme qui milite depuis près de quarante ans pour que les enfants aient accès à la même protection contre la violence que les adultes. En septembre, le parlement fédéral a reconnu cette nécessité et la loi devrait entrer en vigueur au début 2026.
« C’est une étape importante qui inscrit enfin noir sur blanc dans le Code civil que la violence n’est pas un choix éducatif et que l’enfant est tout autant un sujet de droit que l’adulte », estime Regula Bernhard Hug, directrice de Protection de l’enfance suisse. Personne n’oserait gifler, hurler ou insulter un collègue qui lui casse les pieds, souligne-t-elle. Cette loi reconnaît aussi qu’il existe « d’autres moyens pour poser des limites que de recourir à la violence physique ou verbale avec un enfant », abonde Livia Bouvier, experte en droits de l’enfant et coach parentale basée à Maracon. Mais inscrire le droit à une éducation sans violence ne suffira pas à changer les mœurs. Les parents doivent être soutenus et accompagnés dans leur cheminement afin que celle-ci devienne la norme, affirment les deux expertes.
Ressources nécessaires
Conscient de ce besoin, le parlement a également ajouté un alinéa au Code civil qui oblige les cantons à garantir l’accès des parents et des enfants à des ressources adéquates. « Nous ne savons pas encore de quelle manière les cantons agiront, chacun étant libre de choisir sa voie », précise Regula Bernhard Hug qui a été en contact avec nombre d’entre eux. La Protection de l’enfance suisse propose une ligne d’assistance téléphonique, des jeux, des livres ou encore des cours pour les parents.
« Parmi les raisons pour lesquelles les parents peuvent être maltraitants figure notamment une méconnaissance du développement de l’enfant. Un enfant de deux ans qui joue à renverser de l’eau n’a pas la capacité d’inhibition qui lui permet de s’arrêter sur simple demande d’un parent. Il va essayer, mais n’y arrivera pas. Or, souvent, les parents prennent ça comme une provocation et ont du mal à se maîtriser », explique Livia Bouvier. Un coaching personnalisé peut s’avérer utile pour identifier les situations qui provoquent le plus de tensions, apporter les connaissances théoriques, puis les compétences pour y faire face.
Campagnes de sensibilisation nécessaires
« Frapper avec une ceinture est identifié par tout le monde comme une violence. Secouer, pousser, tirer le bras ou hurler ne l’est pas toujours », liste Livia Bouvier pour qui un grand nombre de violences ne sont pas considérées comme telles et nécessitent d’être nommées et identifiées dans le cadre de campagnes de sensibilisation. L’avantage d’affiches ou de publications sur les réseaux sociaux est qu’elles rappellent d’une part que le recours à la violence est illégal et permettent par la même occasion d’atteindre facilement des parents débordés, ajoute-t-elle. Cette tâche, la Protection de l’enfance suisse l’a endossée pendant des décennies. « Avec cette loi, la Confédération reprend désormais la main avec des moyens beaucoup plus importants que les nôtres. Dans le cadre du message de la Confédération, elle a promis de mettre en place une sensibilisation à large échelle », relève Regula Bernhard Hug.
La violence est une affaire publique
En Suisse, le droit pénal interdit déjà les mauvais traitements physiques et psychiques infligés aux enfants. « Mais cette protection restait insuffisante, notamment parce que beaucoup d’enfants ne veulent pas que leurs parents soient poursuivis, mais aspirent avant tout à la fin des violences. La révision du Code civil revêt ainsi une dimension avant tout préventive : elle établit un cadre social clair en faveur d’une éducation sans violence », estime UNICEF Suisse et Liechtenstein. En adoptant cette loi, la Suisse honore aussi son engagement de protéger les enfants contre toute forme de violence, un engagement pris en 1997, lorsqu’elle a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. « Cela a pris du temps parce que culturellement, en Suisse, tout le monde estime que l’éducation relève du privé », note Regula Bernhard Hug la directrice de la Protection de l’enfance suisse, dont le slogan rappelle que si l’éducation est une affaire privée, la violence ne l’est pas. C’est d’autant plus l’affaire de tous qu’un enfant élevé dans la violence arrivera moins, devenu adulte, à gérer ses émotions et sa frustration, il sera plus enclin à l’anxiété, à la dépression, aux maladies chroniques, et toutes ses aptitudes sociales seront affectées, complète Livia Bouvier, experte en droits de l’enfant et coach parentale basée à Maracon.
Plus d’informations et de ressources
sur le site de la protection de l’enfance
suisse – www.kinderschutz.ch/fr
et sur celui de Livia Bouvier


