Pully – De la radio aux rails, l’itinéraire de Frédéric Bründler
Portrait
Président du Conseil communal de Pully jusqu’en juin dernier, ingénieur en mobilité et président de l’Union pulliérane, Frédéric Bründler est de ceux qui transforment un non en défi. Portrait d’un passionné qui pense la ville comme un réseau vivant et la politique comme un art de relier, sans posture ni dogme.

Il a la parole précise des gens de radio et le regard curieux de ceux qui, enfant, comptaient les rames de train du bout des doigts. Né à Lausanne, Frédéric Bründler a grandi dans l’est de la capitale, au quartier des Faverges. A 41 ans, le voilà installé depuis près de quinze ans à Pully. Ici, il s’est ancré par choix autant que par conviction. « Une commune à échelle humaine », proche de tout, où l’on mesure le temps à la cadence d’un bus. En l’écoutant parler de son enfance, on comprend vite que la mobilité n’est pas qu’un métier mais une langue maternelle, une façon de regarder le monde en mouvement.
A l’école, il reconnaît avoir souvent préféré « faire » plutôt qu’écouter : « Je n’étais pas scolaire, j’avais du mal à rester assis sans comprendre le sens de ce qu’on faisait », sourit-il. Ce besoin de concret le pousse très tôt à chercher la pratique derrière la théorie, un trait qui a marqué tout son parcours professionnel et qui guide encore aujourd’hui chacune de ses décisions.
Du studio de radio au tableau de bord
Avant d’être ingénieur en mobilité aux TL, Frédéric Bründler a tenu un micro. Les plateaux, l’urgence du direct, les jingles comme des balises. Quatre ans d’antenne qui lui ont donné le sens du tempo, la voix posée, l’art d’aller à l’essentiel sans perdre la chaleur. D’abord à Lausanne FM, puis sur les ondes genevoises avec One FM, en passant par Sion pour Rhône FM, c’est en 2005, alors âgé de 22 ans, qu’il décide de bifurquer et de réaliser ce qui l’a motivé depuis son enfance : le transport public. Permis d’autobus en poche, il conduit en soirée, observe la ville depuis le pare-brise. Très vite, il bascule côté coulisses : horaires, ressources, mise en service d’offres, coordination d’acteurs, arbitrages financiers. Son métier aujourd’hui ? « Faire le lien entre la stratégie et le concret : comment on finance, quand on déploie, avec quel impact mesurable pour les gens. »
Ce qui le fascine, ce n’est pas la machine, mais ce qu’elle relie. « Un bus au quart d’heure, c’est des dîners qui commencent à l’heure, des services qui tournent mieux, une ville qui respire », résume-t-il. Sa règle d’or tient en un verbe : anticiper. « Les investissements lourds obligent à se projeter. On décide maintenant pour une réalité qui n’existe pas encore. » Il assume cette projection, parce qu’elle rend visible les bénéfices invisibles : « C’est du temps gagné, du stress en moins, des mètres carrés d’espace public restitués. »
A la CITRAP-Vaud (Communauté d’intérêts pour les transports publics), il a pris goût aux mailles larges du rail et à la vision d’ensemble. A Pully, il défend les mobilités actives et l’accessibilité universelle. « Un quai à 22 cm, c’est une meilleure sécurité, un accès pour une personne à mobilité réduite, mais c’est aussi des secondes gagnées pour tout le monde, ajoutez-les sur une ligne entière et vous obtenez une fréquence plus dense, une exploitation plus fiable ». Pour Frédéric, la mobilité n’est pas une croisade contre la voiture, mais un équilibre à retrouver.
Premier citoyen
Présider le Conseil communal en 2024-2025 lui a montré l’autre versant du réseau. « Il y a beaucoup de préparation avant chaque séance. Enfin, surtout la première », rigole Frédéric. De cette expérience de premier citoyen, il garde le souvenir d’un rôle exigeant, fait de détails et d’imprévus : « Sécuriser les procédures, désamorcer les micro-crises, retenir les 100 noms des conseillers communaux, notamment en utilisant des astuces mnémotechniques, harmoniser les agendas pour que la séance se déroule le plus sereinement possible ». Il aime ce travail discret qui évite les enlisements et permet aux débats d’atteindre leur but. Sa grande leçon tient en peu de mots : « La politique locale récompense la bonne foi, mais exige patience, écoute et précision. Elle se pratique loin des slogans, au contact des détails qui changent tout. »
Dans l’hémicycle, il a aussi vu ce qui manque. Pour lui, le Conseil ne reflète pas assez le visage de Pully : « Trop peu de jeunes, d’apprentis, de représentants de toutes les générations ». Il ne conteste pas la légitimité des élus, mais il avoue souhaiter une scène plus ressemblante, parce que les décisions gagnent en justesse quand la diversité s’invite à la table. A ceux qui confondent prudence budgétaire et refus d’agir, il répond par une image simple : « Une commune, c’est du patrimoine et des services. On débat des priorités, on ne feint pas que l’inaction ne coûte rien, ni en retard d’entretien, ni en qualité de vie perdue. »
Il plaide pour des projets structurants, capables de fédérer au-delà des clivages. Un de ses grands regrets : « Qu’à l’est de l’agglomération, on ait manqué un tram il y a vingt ans, faute d’élan partagé ». Son intuition : qu’un jour, on osera à nouveau regarder grand et réfléchir à la gouvernance du territoire avec moins de tabous, y compris par des coopérations renforcées entre communes quand la géographie, les usages et la mobilité l’imposent.

Lignes de fuite
Sous l’ingénieur, il y a une douceur qui ne se voit pas au premier abord. Son refuge, le bord du lac, sa marotte, il nous l’explique : « Les cygnes sont des animaux plus sociaux qu’on ne le croit, orgueilleux juste ce qu’il faut, capables d’apprivoisement à qui prend le temps. Il faut du calme, de l’attention pour pouvoir entrer en communication avec l’animal, mais à un moment, il vous présente ses petits ». On retrouve là le rapport au monde de Frédéric, observer, comprendre, trouver la bonne distance. Une vision qui l’a amené à voyager : l’Autriche, l’Allemagne, 49 états américains, la Thaïlande et plus récemment, la Malaisie. Il aime vivre l’expérience d’un pays au contact avec ses habitants. Pas étonnant qu’il préfère découvrir la gastronomie locale loin des cartes traduites. Et lire, souvent, pour combler un angle mort et ajouter un outil à la boîte, non par manie, mais parce que l’humilité consiste à rester révisable, ou la remise en question si vous préférez.
Frédéric favorise les trajectoires aux slogans : « L’important est de rester raccord avec la réalité, avec ses convictions, ses envies ». Ce pragmatisme ne l’empêche pas d’aimer le contre-pied, quitte à être à contre-courant : « Quand on me dit que ça ne se fait pas, que cela est trop difficile ou pas réaliste. Je vérifie si c’est vrai, je teste et très souvent, cela passe ». Dans le monde du rail, on pourrait dire que Frédéric cherche l’aiguillage plutôt que le mur.
Son année de présidence au Conseil communal de Pully l’a comblé sans l’engloutir. Il sourit en pensant à ses proches, soulagé que la charge dure douze mois seulement. « Etre premier citoyen demande beaucoup, tout le temps, jusque dans les week-ends qu’il faut savamment placer. »
La suite ? Il ne planifie pas une carrière en politique. Il se tient disponible si l’utile l’appelle, et garde la liberté d’un voyage, d’un projet personnel, d’un prochain défi. Parce que si sa boussole a changé plusieurs fois de direction depuis l’enfance, elle l’amène toujours vers le même cap : faire avancer les choses.
Frédéric Bründler en quelques dates clés
1984 – Naissance à Lausanne
2002 – Premières expériences radio à Lausanne FM, avant de rejoindre One FM à Genève
2004 – Devient animateur à Rhône FM à Sion
2006 – Obtient son permis d’autobus et débute comme conducteur aux Transports publics lausannois (TL)
2010 – S’installe à Pully
2014-2021 – Suit une formation d’ingénieur en mobilité à la HEIG-VD tout en travaillant à plein temps
2021 – Rejoint le Conseil communal et prend la présidence de l’Union Pulliérane
2024 – Elu président du Conseil communal


