Ciné-Doc – Le goût des choses
de Alain Wirth

Ciné-doc entame sa saison avec un film aussi local que les légumes qu’Antoine et Pierre-Gilles cultivent à Blonay. A voir au cinéma de la grande salle de Chexbres ce vendredi 19 septembre.
Au rythme des galères
Dans les hauts de Vevey, Antoine et Pierre-Gilles font pousser des légumes de manière entièrement naturelle. D’une saison à l’autre, Alain Wirth les suit au rythme des difficultés rencontrées : la route qui longe l’exploitation connaît des travaux importants entraînant son lot de bruit et de contraintes, le chiffre d’affaires est trop bas, les récoltes trop irrégulières. En une heure et demie, « Le goût des choses » brosse un portrait touchant de celles et ceux qui se débattent contre les géants tout puissants de la grande distribution. Leurs outils en main, les deux quarantenaires et leur entourage tentent de faire ce qui leur paraît le plus juste pour la planète, tout en constatant à quel point la tâche est ardue sur un marché dominé par les grandes enseignes de supermarchés suisses.
La sécheresse des coupes
Alain Wirth signe la production, l’écriture, la réalisation, l’image, le son et l’étalonnage de son film, mais laisse le crédit du montage à Valentin Rotelli, monteur indépendant et réalisateur suisse. Ce dernier aspect a de quoi surprendre dans « Le goût des choses » : en effet, le film est ponctué de coupes sèches au noir interrompant parfois même des dialogues. Tout se passe comme si le film effectuait sans cesse des ruptures par ces images qui se coupent. Si on peut voir par là un parallèle entre le nouveau mode de culture que propose Pierre-Gilles et Antoine, et la narration alternative que propose le montage, force est de constater que ce choix casse la fluidité du film et lui donne un effet bout à bout.
Les tomates de la Coop Pronto
« Le goût des choses » fait néanmoins de la bonne publicité à Praz Bonjour, l’exploitation agricole biologique d’Antoine et de Pierre–Gilles. A les entendre parler, on saisit rapidement que les personnes qui peuvent changer les choses c’est nous, les consommateurs·ices, souvent peu enclins·es à venir se laisser surprendre par les récoltes aléatoires vendues dans leur magasin. Le film pousse dès lors à reconsidérer sa manière de consommer, par les points de vue de ces néo-ruraux passionnés. L’un d’entre eux souligne par exemple comment le rythme effréné de la vie contemporaine entraîne une consommation irréfléchie. Il a aussi connu cette situation : rentrer à 19h d’une journée de travail, et de passage à la coop pronto de la gare, acheter un vieux paquet de tomates gonflées aux produits chimiques. En observant les efforts investis par ces deux hommes dans le but de consommer de manière raisonnée, on ne peut que requestionner nos manières de soutenir ou non un système qui nous fait courir à notre propre perte.