Mézières, Théâtre du Jorat – Chœur de Rockers
A Night at Sun Records

© AtelierK
Le vendredi 12 septembre, le Chœur Auguste investit la Grange Sublime pour nous proposer un récital qui fleurera bon les débuts du rock. L’occasion de dépoussiérer une bonne fois pour toutes cet art choral que beaucoup s’imaginent encore morne et plat.
Reconnaissons-le, rares sont ceux qui jugeront le chant choral comme la pratique artistique la plus sexy qui soit. Souvent encore, on y accole le stéréotype de la société de chant locale, chœur mixte de village dont la prestation serait plus portée sur la convivialité et l’esprit grégaire des campagnes profondes que sur une réelle qualité artistique, reprenant tour à tour et sans transition « Le Vieux Chalet » et « Les Démons de Minuit ». Pourtant, à l’heure actuelle, est-il un art aussi divers que celui-ci ? Malgré un répertoire qui s’étend du gospel à la variété française en passant par le classique et le blues, force est de constater que les chœurs souffrent encore souvent d’un statut qui les range aux côtés du théâtre de boulevard ou de la danse traditionnelle sous l’appellation bien dégradante de « sous-culture » ou, au mieux de « culture populaire ». Autant de catégorisations qui les placent injustement bien loin des arts institutionnalisés.
C’est probablement pour contrer ces images d’Epinal que depuis plusieurs années se forment aux quatre coins du canton des chorales d’un genre nouveau. Réinventant le répertoire choral, sortant parfois des lieux de représentations habituellement réservés à leur art si particulier, renouvelant leurs effectifs avec de plus jeunes voix, nombreuses sont ainsi les structures à chercher comment s’adapter aux besoins d’une nouvelle génération d’auditeurs-spectateurs. Parmi les porteurs de cette « new
choral wave », le Chœur Auguste s’est fait depuis sa création il y a douze ans, une place certaine dans le paysage romand. Un statut qui faisait bien mériter à la formation lausannoise une représentation dans la mythique Grange Sublime.
De fait, le Théâtre du Jorat a pris pour tradition depuis plusieurs années d’accueillir en son sein des chœurs qui se démarquent particulièrement par leur qualité vocale et par l’originalité de leur répertoire. C’est donc tout naturellement qu’Ariane Moret et ses équipes se sont cette année tournées vers l’ensemble créé et dirigé par le Morgien Jérémie Zwahlen. Un Jérémie Zwahlen qui signe également tous les arrangements de ce chœur qui cherche à explorer de nouveaux horizons. Ainsi, après avoir bourlingué de Jean Villard Gilles à Leonard Cohen en passant par la chanteuse Camille, la quarantaine de choristes prend cette fois-ci la route de Memphis et du Sun Studio.
Pourquoi ce choix trans-atlantique ? Eh bien pour la simple et bonne raison que c’est ce même Sun Studio qui revendique non moins que l’invention du rock’n’roll. « Rocket 88 » qui y a été enregistrée par Jackie Brenston est ainsi souvent considérée par beaucoup de spécialistes comme la toute première chanson de ce genre emblématique depuis lors. Et si le nom de ce Brenston n’évoque pas grand-chose auprès des néophytes, ceux de Johnny Cash, Elvis Presley, Jerry Lee Lewis ou plus récemment U2 ou Def Leppard parleront sans doute à un public beaucoup plus large et démontrent à quel point ce studio est un lieu central de l’histoire de la musique contemporaine.
Pour porter ce répertoire qui fleurera bon les fifties, le Chœur Auguste sera accompagné de deux solistes rompues à l’exercice très américain de la comédie musicale : Aude Gilliéron et Sarah Manesse. Mélange audacieux entre une artiste locale et une « guest » parisienne. Un duo à l’expérience scénique indispensable à l’esprit du choeur, résolument tourné vers l’idée que l’art choral ne se limite pas à la seule musique, mais qu’il est une expérience spectatorielle complète qui implique également une mise en scène de sorte. Une mise en scène qui sera orchestrée par Julie Burnier notamment à la tête de la Compagnie Pied de Biche.
Non, chanter en chœur ne se fait pas qu’avec six verres de blanc dans le nez. Oui, on peut kiffer tout autant un récital choral qu’une soirée sous la pluie au Paléo. Cette nuit au Sun Studio, bien plus qu’un spectacle de plus est sûrement l’occasion pour beaucoup de déconstruire les préjugés sur un genre encore trop boudé par les salles de spectacles.
