Exposition – L’art au service de l’indépendance nationale
L’Hermitage présente la peinture polonaise 1840-1914 – Jusqu’au 9 novembre
Il faut d’abord se rappeler que, pendant la période considérée, le pays n’existe plus comme nation. A la suite des fameux « partages de la Pologne » à la fin du XVIIIe siècle, elle a été disséquée par l’Empire des tsars, celui des Habsbourg et le royaume de Prusse (qui deviendra l’Empire allemand en 1871).
Comme chez les Tchèques avec les compositeurs Smetana et Dvorák, les artistes – le pianiste Chopin, le poète Adam Mickiewicz mais surtout les peintres – vont jouer un rôle capital dans la volonté de préserver l’âme polonaise et de contribuer à l’indépendance nationale. Cet aspect est fondamental et, sous des formes picturales diverses, il parcourt toute l’exposition. La puissance occupante la plus répressive est alors l’empire des tsars. Les insurrections polonaises sont durement réprimées, entraînent exécutions et déportations en Sibérie. On le voit dès la première salle, où une belle toile de Jacek Malczewski montre une jeune Polonaise dans le froid du Nord où elle a été confinée. Par des tableaux de grand format qui sont de véritables « machines » historiques, les artistes exaltent le passé glorieux, sublimé et idéalisé, du royaume des Jagellon (XIVe – XVIIIe s.), qui englobait une grande partie de l’Europe centrale. Il comprenait de nombreuses minorités nationales, tels les cosaques Zaporogues, représentés de manière orientalisante. Les peintres polonais, influencés par les recherches ethnographiques du XIXe siècle, ont cherché à mettre en valeur ces ethnies, leurs chants et costumes traditionnels, comme on le voit bien dans la toile de Wladyslaw Jarocki, Houtsoules dans les Carpates. Alors que la Pologne est surtout un pays de grandes plaines, les peintres ont exalté aussi ses montagnes (Carpates, Tatras vues depuis Zakopane).
Le deuxième étage présente une peinture plus lumineuse, influencée par l’Impressionnisme français et par Gauguin à Pont-Aven en Bretagne. On aimera particulièrement de remarquables paysages, comme Deux lacs de Michalina Krzyzanowska, et d’autres, hivernaux, qui font un peu songer à la peinture scandinave. Certains peintres avaient d’ailleurs des relations avec le Norvégien Edvard Munch. Mais le paysage chez les peintres polonais est souvent chargé d’une valeur symbolique, comme s’il possédait une vie intérieure.
Si le pays était et reste une terre profondément pieuse et catholique (ce qui la distinguait de la Russie orthodoxe et de la Prusse protestante), les écrivains et artistes se rappelaient aussi qu’il était profondément marqué par la vieille âme slave païenne, avec ses esprits et sirènes maléfiques. Elle apparaît donc dans plusieurs peintures.
Le mouvement symboliste (avec l’influence du Suisse Arnold Böcklin) a joué un grand rôle dans la peinture polonaise des XIXe et début du XXe siècles. Il occupe une place importante au sous-sol de L’Hermitage, tout comme le mouvement moderniste de la Jeune Pologne entre 1890 et 1918. Avec aussi un apport de l’Art nouveau et de l’Art décoratif. On le voit bien dans la toile de Edvard Okuń, Nous et la guerre.
Ces quelque cent œuvres venues du musée national de Varsovie s’inscrivent dans l’approche systémique de L’Hermitage, qui a mis en lumière, ces dernières années, des aspects moins connus de la peinture occidentale, par exemple scandinave, américaine ou belge. L’intérêt de l’exposition actuelle est réel, même si, en dehors de quelques toiles d’une grande valeur picturale, il nous paraît plutôt historique, voire ethnographique, que strictement esthétique.
« La Pologne rêvée. 100 chefs-d’œuvre
du musée national de Varsovie », Lausanne,
Fondation de L’Hermitage, jusqu’au 9 novembre