La petite histoire des mots
Rodomontade
Dans la presse, depuis son élection, mais surtout depuis qu’il se vante d’avoir anéanti les capacités nucléaires iraniennes, tout en épargnant la vie du Guide suprême que devrait lui en être reconnaissant, le mot « rodomontade » est souvent associé à Donald Trump. Ce curieux terme, d’un usage peu courant, utilisé le plus souvent au pluriel, est synonyme de « fanfaronnade ». Il désigne l’attitude prétentieuse et ridicule d’un vantard ou ses menaces excessives, vaines et sans fondement.
Ce mot est apparu dans la langue française au XVIe siècle, emprunté à l’italien. Il est issu du nom propre « Rodomonte », un personnage fictif dont les aventures furent décrites dans deux grands poèmes épiques de le Renaissance italienne : « Orlando innamorato » du poète Matteo Maria Boiardi et « Orlando furioso » du poète Ludovico Ariosto, dit l’Arioste. Sous leur plume, Rodomonte, chef des Sarrasins et roi de Zarza et d’Alger se distingue par son courage, mais aussi par son arrogance et ses risibles vantardises. Il finira d’ailleurs par être tué lors d’un duel.
En italien, ce nom propre, qui signifie « ronge-montagne », entra très vite dans la langage courant pour désigner les vantards et les fanfarons qui s’attribuent des exploits imaginaires. Le français l’adopta presque aussitôt sous la forme « rodomont » pour nommer les bravaches bouffis d’orgueil qui se vantent de prétendus actes de bravoure. Il en dériva le substantif « rodomontades » pour désigner les vantardises les plus ostentatoires.
Notons au passage que le substantif « rodomont », bien que tombé en désuétude, figure toujours dans nos dictionnaires modernes. Ses synonymes sont « fanfaron », « bravache », « hâbleur », « matamore », « fier-à-bras », etc.
Arrêtons-nous maintenant sur les mots « matamore » et « fanfaron » qui désignent eux-aussi un « rodomont ». Tous deux ont été empruntés à l’espagnol. Le premier nous vient de « matamoros », qui signifie « tueur de Maures ». Il a été introduit dans notre langue au XVIIe siècle et est devenu le nom d’un personnage de comédie, un faux brave qui se vante de ses exploits imaginaires, notamment contre les Maures qui autrefois occupaient l’Espagne. Adopté par le français à la même époque, et issu de « fanfarrón », le second aurait vraisemblablement une origine arabe. Il serait dérivé du mot « farfar » qui veut dire « bavard » ou « inconstant ».
Petite curiosité : chez-nous, en Suisse romande, le « Signal de Rodomont » est un sommet des Préalpes, situé dans la région de Château-d’Oex. Il est connu pour son magnifique panorama sur les Alpes vaudoises et bernoises, ainsi que sur la chaîne des Vanils et les Gastlosen. Le nom « Rodomont » fait bien référence au personnage de la littérature italienne dont nous avons parlé plus haut… Car celles et ceux qui ont pu profiter du parcours et du panorama du « Signal de Rodomont » peuvent légitimement s’en glorifier… Parfois peut-être à l’excès !