Trump taxe les vins suisses : « Ce qui pèse, c’est l’incertitude »
Droits de douane

Annoncée à 31%, puis revue à la baisse, l’augmentation des droits de douane américains sur les produits suisses inquiète les exportateurs. Pour Titouan Briaux, du domaine Chaudet, à Rivaz, l’enjeu n’est pas forcément le pourcentage de taxe, mais l’imprévisibilité politique
Avec ses annonces sur la hausse des droits de douane sur les importations, Donald Trump a secoué l’économie mondiale. Rappelez-vous, le 2 avril, la Suisse apprend qu’elle figure sur la liste des 75 pays visés, avec une surtaxe initialement annoncée à 31%, soit davantage que l’Union européenne. Quelques jours plus tard, ce taux est abaissé à 10%, puis suspendu dans le cadre d’une trêve de 90 jours. Mais l’incertitude reste entière pour les exportateurs suisses, comme le Domaine Chaudet et la cave Terres de Lavaux: «Ce qui est pénible, ce n’est pas tant le pourcentage de taxe, mais l’absence totale de visibilité», résume Titouan Briaux, directeur du domaine Chaudet.
Le vigneron fournit The Lavaux Wine Bar à Manhattan, une vitrine des vins du vignoble aux Etats-Unis. Pour bien comprendre, chaque année, ce sont deux à trois envois de onze containers de vins qui transitent par bateau. Environ 20% de la production du domaine est destinée aux Etats-Unis, essentiellement sur la côte est comme la région new-yorkaise ou encore la Floride. En tout, une dizaine de distributeurs vendent des bouteilles originaires du domaine de Rivaz et de la cave Terres de Lavaux à Lutry. «Tous les vins envoyés sont issus exclusivement de notre vignoble, impossibles donc, de changer de produits.»
Une taxe absorbée sur place
Malgré l’annonce des nouveaux droits de douane, Titouan ne sonne pas l’alarme: «On pense que les produits seront taxés autour de 10%, mais la valeur marchande se fait sur place, aux Etats-Unis. Ce sont les distributeurs qui adapteront les prix. Pour l’heure, il n’est pas question d’augmenter nos tarifs pour protéger notre établissement à Manhattan.»
Jusqu’ici, les prix n’ont que peu bougé: «Peut-être que les distributeurs vivent encore sur des stocks d’avant, ou qu’ils ont choisi d’absorber la hausse eux-mêmes». L’enjeu reste de ne pas perdre en compétitivité sur place, surtout dans un environnement urbain où l’inflation touche déjà beaucoup de secteurs. «A New York, tout a augmenté de 15 à 20% ces trois dernières années. Notre priorité, c’est de rester alignés avec les autres restaurants sur notre gamme de prix et de service.»
Une pression plus forte en Suisse qu’aux Etats-Unis
Paradoxalement, c’est en Suisse que la pression se fait le plus sentir. «Le marché helvétique devient de plus en plus perméable aux vins européens, notamment français et italiens, qui sont déjà très présents. Avec la force du franc et les faibles taxes douanières, ils deviennent encore plus compétitifs chez nous». Sur le sol américain, la rareté et les caractéristiques des vins de Lavaux en font un produit d’exception qui nécessite l’intervention de sommeliers pour être expliqué et valorisé, c’est du moins la philosophie du Lavaux Wine Bar. «Ce sont des vins qui ont une histoire. Ils ne sont pas destinés au grand public, mais à une clientèle prête à en comprendre la valeur», appuie Titouan Briaux.
Et dans ce contexte, les décisions du président américain ne suffisent pas à tout bouleverser. «A New York, ville largement anti-Trump, il y a même une forme de solidarité face à ce genre de mesures. Le vrai défi, c’est d’anticiper et avec ce genre d’annonces qui changent du jour au lendemain, c’est devenu quasiment impossible.»