Musée Burnand et du Vieux-Moudon
Une Suisse sans vaches ?


Dans l’ombre d’une superbe soirée de printemps, les musées Burnand et du Vieux-Moudon ont ouvert, vendredi 11 avril, les portes d’une exposition intitulée Amour vache. A la vie, à la mort. Jusqu’au dimanche 26 octobre, ces deux institutions rendent un hommage aussi attendri que solennel à cet animal noble et placide dont le pas tranquille rythme, depuis des siècles la vie des campagnes helvétiques.
Une foule bigarrée, estimée entre deux et trois cents âmes, s’était pressée dans les jardins des musées. Les autorités de Moudon, fort bien représentées, se mêlaient à un public choisi où l’on comptait maintes figures notables. Fait rare et digne d’être signalé, seules des dames prirent la parole à la tribune, leurs discours tour à tour interrompus – mais non sans charme – par le tintement de huit cloches bovines, suspendues au cou des vaches en grande parure qui paissaient à proximité. Ces ruminants, fières et paisibles, étaient confiées aux bons soins de Carde Labie et ses assistants, émissaires de l’Ecole cantonale d’agriculture de Granges-Verney.
La cérémonie, orchestrée avec élégance par Sarah Besson Coppotelli, directrice des musées, connut son apogée lors des interventions successives de Carole Pico, syndique de Moudon, de Anne Challandes, vice-présidente des Paysannes suisses, et enfin de la conseillère d’Etat Valérie Dittli. Cette dernière, avec une émotion non feinte, évoqua ses jeunes années passées dans une ferme, rappelant combien l’exposition faisait vibrer en elle les cordes profondes de sa mémoire rurale.
Le chœur d’armaillis, les T’Schobé, composé de quatre voix d’hommes, fit résonner des chants venus du fond des âges, ajoutant à la cérémonie une touche d’authenticité. Quant à Anne Chenevard, de Corcelles-le-Jorat, elle offrait au public des briques de son « Lait équitable », plaidoyer muet mais éloquent pour une rétribution juste des éleveurs.
Peut-on seulement imaginer une Suisse dépourvue de ses vaches, sans lait, sans fromage, sans chocolat ? Une Suisse orpheline de ses combats de reines, de ses poyas aux couleurs naïves ? L’exposition, bien au-delà de la simple célébration, s’inscrit dans une vaste réflexion portant sur le futur pôle muséal de Moudon. Elle explore, avec un soin érudit, la place cardinale qu’occupe la vache dans l’imaginaire et la vie quotidienne de la région : tant dans le modelé des paysages que dans les pratiques agricoles et les traditions vivantes.
Au musée, l’on découvre l’iconographie bovine comme miroir de l’âme helvétique, notamment à travers l’œuvre magistrale d’Eugène Burnand, Le Labour dans le Jorat. Le musée du Vieux-Moudon, attenant, se penche quant à lui sur le patrimoine immatériel : savoir-faire ancestraux, techniques d’élevage, transformation des produits de la ferme, fertilisation des sols – tout un monde rural, minutieux et disparu, revit ici dans sa vérité.
Enfin, une charmante promenade offre sur les hauteurs de Moudon, des vues sublimes sur l‘arrière de Moudon et sur les sculptures de Vincent Desmeules, artiste de Ropraz, qui jalonnent le chemin.
