La chronique de Denis Pittet
Boissons

Tout commence par un gobelet en carton, entouré d’une serviette en papier, que l’on vous tend dans un avion.
Sacré Marcel. Voici donc venu le moment de vivre une madeleine. La remontée d’un souvenir d’enfance heureux. La nostalgie de moments perdus. Une odeur, un goût, un objet. L’objet on le sait déjà. L’odeur ? Difficile de décrire une odeur. Quelle est l’odeur de ce thé noir fumant, très chaud, bouillant même, que vient de vous tendre l’hôtesse ? Cela sent un peu le fumé, le cuir mouillé. Et le goût ? Corsé, malté comme certains whiskies, caramel ?
Les souvenirs viennent instantanément. Incroyable. Sacré Marcel Proust. Alors il y a ces boilles de thé noir posées le long du terrain de foot. Tellement le même thé que dans l’avion. Je ne pense pas que l’on buvait cela en été mais je n’en suis pas sûr. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est le thé que l’on nous donnait durant les matches de hockey. Chaud au début du match, froid à a fin. On buvait encore exactement le même thé à l’armée. Ah, j’en ai bu du thé à l’armée. Le vieux Pinz de la cuisine arrivait au loin dans les flocons de neige avec le thé salvateur, lorsqu’il faisait moins 20 degrés l’hiver à Kandersteg…
Autres temps, autres madeleines : les matins de mon enfance, maman faisait cuire du lait. On y ajoutait du Banago. Se formait sur le mélange une atroce couche de « peau du lait » comme on disait. Consciencieusement on la retirait avec une petite cuillère avant de boire le précieux mélange. J’aimerais aussi dire les incroyables bouteilles de Romanette des années 70 ! Je parle des grosses bouteilles d’un litre en verre, avec la mythique capsule de fermeture en porcelaine avec son caoutchouc rouge. On en buvait des caisses en été, de cette Romanette. Des caisses lourdes qu’on allait parfois chercher à vélo (avec une charette) à l’épicerie du village.
Je voudrais aussi dire la grande époque de l’Ovomaltine et du ski dans les années 80 à Grimentz. Oh, à cette époque on ne buvait pas que de l’Ovo, non. Mais avant la fête du soir et la disco, ce sont bien les petits sachets déjà orange sauf erreur de ma part, qu’on achetait à Bendolla pour se réchauffer avant d’aller réattaquer les pistes.
Enfin il y a eu le Sinalco. Le Sinalco pour moi, vient après la Romanette et avant l’Ovo. Le Sinalco, c’étaient les étés merveilleux à Bellerive, c’était la patinoire de Montchoisi et c’était la pizza margherita au Frascati, rue Haldimand : on commandait invariablement et samedi après samedi soir une pizza, un Sinalco et une glace colibri. On avait exactement le montant total de l’addition en poche, 6,50.- si mes souvenirs sont exacts. C’était trop bien. J’ai vu que le Sinalco « original » existe toujours. Que l’Ovomaltine aussi évidemment et se décline désormais en une tonne de variantes et produits. Même la Romanette a survécu. Mais mes madeleines sont bien uniques et émouvantes. Tout a commencé dans un avion, un gobelet , etc.