La chronique de Denis Pittet
Ce que dit Adolf Ogi

Le 4 janvier dernier, 24 Heures a publié une interview d’Adolf Ogi. Conseiller fédéral de 1988 à 2000, connu pour ses « Fooormidable ! » et ses vœux mythiques au pied du sapin à Kandersteg en 2000, Adolf Ogi est naturellement plus que cela. Excellent skieur, Adolf Ogi a notamment été directeur de la Fédération suisse de ski. C’est lui qui était à la tête de la délégation suisse au Jeux de Sapporo, avec les incroyables succès que l’on sait : Nadig, Russi, Collombin. Ogi raconte avec passion comment il a préparé ces Jeux, allant jusqu’à faire analyser la neige de Sapporo afin de préparer un fartage d’enfer qui fut une des clés du succès il y a plus de 50 ans.
Ogi connaît le sport et Ogi connaît la politique. Il le dit sans ambage, les succès de Sapporo l’ont conduit au National puis au Conseil fédéral. Le sport – comme champion et parfois comme dirigeant – peut être un tremplin de carrière. Fort de ce constat, on doit écouter l’homme de Kandersteg avec respect. Même si ce qu’il dit dans 24 Heures en a peut-être froissé quelques-uns.
Ogi nourrit quelques rancœurs et son rapport au CIO n’est peut-être pas le meilleur. Sans doute n’a-t-il jamais vraiment accepté de ne pas être élu membre du CIO, justement. C’est sans doute pourquoi il souhaite déjà voir propulser la nouvelle présidente de Swiss Olympic, Ruth Metzler, dans le fameux cénacle. Doucement les basses : c’est aller vite en besogne. Ruth Metzler a une mission et une seule : faire en sorte que la Suisse puisse accueillir les JO d’hiver de 2038 et donc, pour cela, créer les conditions pour que cette candidature soit acceptée par le Pays. Sans conviction du peuple suisse, pas de JO, c’est aussi simple que cela. Enfin, simple…
En parlant des membres suisses du CIO (Hodler, Kasper, Oswald, Fasel, Blatter, Baumann, Infantino entre les années 1990 et aujourd’hui) Ogi avance la thèse que ces derniers n’ont pas agi pour le pays dans le cadre des candidatures avortées mais pour les Fédérations qu’ils représentaient. C’est à la fois juste mais pas totalement. Gian-Franco Kasper, président de la FIS de 1998 à 2021 a, par exemple, largement soutenu le projet des JOJ 2020, à l’inverse, toujours par exemple, de la Fédération suisse de ski à l’époque, dont le praesidium n’avait strictement rien à cirer du projet. Tout cela pour démontrer que rien n’est simple et que pour réussir, il faut convaincre, convaincre encore et surtout expliquer sans relâche.
Ogi lance aussi une pierre dans le jardin de Thomas Bach, président sortant du CIO, dont le mandat se termine cette année. Pour l’ancien conseiller fédéral, Bach et le CIO ont laissé tomber la Suisse, pourtant pays d’excellence pour les JO d’hiver selon Ogi. Cette prise de position n’est sans doute pas la plus habile. Elle est sans doute juste mais pas pour les raisons invoquées par Ogi. En réalité, le CIO ne fait de cadeau à strictement personne. Le CIO choisit toujours la meilleure solution pour… lui-même. Et, encore une fois, avec ses risques majeurs de référendum à tous les niveaux, la Suisse n’est à l’évidence et de ce point de vue là, pas une bonne solution. Elle est une réponse magnifique pour plein d’autres raisons.
Et Ogi de conclure : « La Suisse doit réapprendre à mener à bien un projet olympique de A à Z ». Bingo ! On ne peut dire plus juste. La clé d’une candidature olympique est de raconter une histoire et, encore une fois, de dire le pourquoi et jamais le comment.