En Lavaux, Dry January n’assèche pas les ventes
En janvier, les ventes de vin diminuent de près de 10%. Mais ce n’est pas la faute au challenge de janvier sans alcool.

C’est une tradition qui a maintenant près de onze ans. Après les repas de fin d’années souvent bien arrosés, le Dry January fait parler de lui. En Suisse, tout a commencé en 2021, quand une campagne similaire à celle d’Outre-Manche est lancée avec l’appui de l’Office Fédéral de la Santé Publique. Si selon Addiction Suisse, 250’000 personnes seraient dépendantes à l’alcool dans le pays, le challenge correspond surtout à un besoin physique et psychique après les fêtes.

« Il est bon de questionner sa consommation »
Consommation en question
À la Croix-Bleue, les demandes de consultation augmentent en janvier. « On l’explique non seulement par un besoin physique après Noël, mais aussi par toute la communication qui est faite dans les médias et sur les réseaux à propos du challenge », nous explique la porte-parole de la Croix-Bleue suisse romande Laetitia Gern. « C’est très encourageant. » Dans les vignes de Lavaux, ce concept, qui pourrait aller à l’encontre d’une philosophie de marketing, n’est pas particulièrement répudiée. Alexandre Fischer, du domaine de Saint-Amour à Chenau, s’est engagé en faveur du mouvement. Il a même tenté l’expérience une fois. « Ce n’est jamais mauvais de penser à sa consommation. Ce qui me faisait le plus peur, c’était de boire un verre d’eau pendant que les autres buvaient du vin. Forcément, c’est spécial, dans notre culture, au milieu des vignes. Mais les gens se sont vite habitués. »
L’interprofession dubitative
Pour Xavier Fonjallaz, vigneron à Epesses qui a participé trois fois au challenge, il s’agissait surtout de se rendre compte qu’il était capable de se passer de vin. « On a quand même un métier à risque. On est tout le temps confronté au vin, depuis tôt dans la journée. Même si on recrache quand on déguste, c’est clair qu’on en consomme plus que d’autres. »
Un défi qui ne faisait pas l’unanimité à son lancement. En 2021, la Fédération Vaudoise des Vignerons s’exprimait dubitativement dans les pages du 24 Heures quant aux conséquences sur les ventes pour les producteurs. « Ils disaient qu’il fallait boire pour l’économie et je trouvais ce discours pas très communicatif, déplore Alexandre Fischer. C’est pour ça que je me suis exprimé pour le Dry January. Je trouvais qu’il fallait plutôt faire un geste de bonne volonté envers le mouvement. » De plus, les vignerons rencontrés sont unanimes. Les ventes baissent en effet en janvier, mais le phénomène date de bien avant Dry January.
Janvier sobre
« Le mois de janvier, c’est toujours le mois où les gens consomment moins de vin », explique Xavier Fonjallaz. « C’est le début de l’année, les gens ont dépensé, fait la fête, ils y vont un peu plus mollo. » Un temps également plus calme pour les activités de la cave, comme l’explique Charlotte Blondel, à Cully. « Il y a un peu moins de clients en janvier, tout le monde a déjà fait son stock. On a moins d’accueil clientèle. Ça nous permet de vivre un peu au ralenti, de nous occuper de nous, et de se concentrer sur le boulot de la cave. Tout ça pour repartir vers le mois de mai. »
Chez les Massy, à deux pas, la constatation est la même. Mais les produits des frères Gregory et Benjamin ont deux avantages : « Nous n’avons pas vraiment remarqué de différence parce que nous sommes très vendus dans les restaurants des stations de ski. Et puis, notre gamme est assez chère, donc les gens choisissent nos produits pour des occasions spéciales, qui ont lieu de toute façon. »
Il n’y a pas que la consommation d’alcool qui est remise en question. « Je suis d’avis que c’est bien de faire des pauses », admet Charlotte Blondel. « Mais il faudrait faire attention de manière plus régulière. Mais je ne pense pas qu’au vin, et il faut réfléchir au contexte dans lequel on boit le vin. Est-ce que c’est juste pour se saouler, ou est-ce qu’on boit un verre ou deux avec des gens qu’on apprécie beaucoup ? Ça a aussi un impact sur notre style de consommation. »
Si Dry January ou Veganuary, son pendant végétalien, ne vous tentent pas, reste le No Nut November qui prône l’abstinence de sexe.
