La petite histoire des mots
Lune

Après une première tentative qui avait échoué au printemps dernier, l’énorme fusée Starship de SpaceX, l’entreprise fondée par le milliardaire américain Elon Musk, a décollé avec succès samedi dernier. Mais ses deux étages ont explosé après leur séparation. Ce deuxième vol d’essai était suivi de près par la NASA. Elle compte sur ce lanceur surpuissant pour transporter un jour des astronautes sur la Lune.
Voilà qui nous amène à « Lune », le nom de notre satellite naturel qui est issu du latin « Luna », la déesse de la Lune chez les Romains. Luna et son frère Sol, le dieu du Soleil, de la lumière et de la chaleur, appelé Hélios chez les Grecs, incarnaient le cycle des saisons. Leur sœur Aurora, dont le nom nous a donné le mot « aurore », était la déesse de l’aube, ce moment « magique » où la lumière du jour pointe à l’horizon, chassant l’obscurité. Relevons que le mot « lundi » est issu de la fusion de « Luna » et de « dies » qui signifie « jour ». Nos lundis honorent donc encore la déesse Luna.
Le nom de cette déesse, qui désignait aussi l’astre de la nuit, est dérivé de « leuk », une très ancienne racine indo-européenne qui signifiait « briller » ou « éclairer ». Dans notre langue, cette racine, devenue « lux » et « lumen » en latin, a donné naissance au mot « lumière », ainsi qu’à toute une famille de termes qui l’évoquent, tels que « lueur », « luire », « luciole », « lustre », etc. Avant de s’en tenir à Luna, les Romains ont semble-t-il aussi utilisé le mot « mensis » pour désigner non seulement la Lune, mais aussi les cycles lunaires. Ce vénérable terme latin est à l’origine de mots « mois », « mensuel », « mensualité », « menstruations », etc.
En français, le mot « Lune » apparaît pour la première fois sous sa forme actuelle dans la Chanson de Roland : « Clere est la noit de la lune luisant » (Claire est la nuit, et la Lune luisante). Ce poème épique du XIe siècle s’inspire, trois siècles après les faits, du combat héroïque, à Roncevaux, dans les Pyrénées, du chevalier Roland, neveu de Charlemagne, mort dans une embuscade tendue par des guerriers, possiblement Basques.
Notons qu’en bon français, les futurs habitants de notre satellite ne seront pas des « Luniens » mais des « Sélénites ». On doit ce gentilé (nom donné aux habitants d’un lieu) à l’écrivain français Savinien de Cyrano de Bergerac. En 1650, dans son « Histoire comique des Etats et Empires de la Lune », il s’est mis en scène en explorateur de la Lune, à la rencontre des « Sélénites », un nom dérivé de Séléné, la déesse grecque qui personnifiait la Lune.
Les astres étant supposé agir sur les comportements humains, les Romains inventèrent aussi le mot « lunaticus » pour qualifier un individu au comportement bizarre. De nos jours, l’adjectif « lunatique » s’applique à des personnes à l’humeur déconcertante. L’expression « être dans la Lune » est, quant à elle, apparue sous la plume de l’écrivain Mirabeau, au XVIIIe siècle. Dans son livre « L’Empire de la Lune », il relate lui aussi un voyage imaginaire. C’est grâce – ou à cause – de lui, que notre bonne vieille Lune est désormais attachée à la rêverie et à la distraction.