S’élever au-delà de son handicap
Toujours plus populaire et accessible, le handi-escalade ne cesse de faire des adeptes outre-Sarine, à tel point qu’une antenne romande vient de voir le jour. Rencontre avec ces athlètes lors du premier entraînement en terre vaudoise.
On connaissait le basketball en fauteuil roulant, l’escrime ou encore le tir à l’arc, des handisports popularisés par les Jeux paralympiques depuis leur création en 1960. Le handi-escalade, paraclimbing en anglais, est de son côté plus récent, puisque la première compétition internationale fut organisée en 2003 en France. Sous l’impulsion des championnats du monde de 2011 et de l’organisme soutenant l’inclusion des personnes handicapées dans le sport (PluSport), le Club alpin suisse décide de combler ce manque en janvier 2022 en créant une équipe constituée d’athlètes présentant uniquement un handicap physique et visuel. Si la compétition et notamment les championnats du monde permettent de se comparer à d’autres et de ramener des médailles, les « vrais » objectifs ne sont pas là, comme nous explique Michael Bühler, entraîneur de l’équipe suisse de paraclimbing : « Les ambitions de cette forme d’escalade permettent avant tout aux personnes en situation de handicap de s’épanouir ».
Quand il grimpe, son handicap s’envole
Geneviève Aerni, maman de Bruno
En pleine expansion ces dernières années, l’escalade sportive se professionnalise et les salles de grimpe fleurissent partout dans le pays. Aujourd’hui, on en compte près de 30 en Suisse romande contre une dizaine en 2008. Yoga, fitness, cours, bar, tout y est pour encourager la philosophie de vie décontractée de ce sport. Seul bémol pour les pratiquants du paraclimbing, seul trois salles de grimpe proposent des voies adaptées à leurs besoins.
Cependant, bonne nouvelle : « Nous allons créer une antenne romande dès aujourd’hui », annonce Verdad Curto Reyes. « Un entraînement une semaine sur deux à la salle intérieure d’Echandens, et un autre ici, à Villeneuve », déclare la nouvelle monitrice. Adepte de ce sport à titre privé depuis de nombreuses années, son enthousiasme est irréfutable : « Je me réjouis de faire découvrir l’escalade et de voir la joie sur le visage des participants. »
Laisser son handicap en bas
« La grimpe lui procure un bienfait qu’aucune thérapie n’a réussi à lui apporter jusqu’à présent », confie Geneviève Aerni, maman de Bruno. Porteur d’une maladie génétique rare, il est le seul en Suisse porteur de la mutation du gène GNA01. « Il ne sont que 150 dans le monde ». Atteint également de dystonie, Bruno Aerni doit faire face à la contraction involontaire et prolongée de ses muscles. « Voilà une année qu’il grimpe et qu’il arrive à utiliser sa main droite lorsqu’il pratique ce sport ». Pour la maman de Bruno, la pratique de l’escalade offre une multitude de bénéfices : « Il a un meilleur appétit et une joie de vivre qui nous émerveille. Sans oublier que depuis qu’il a gagné le championnat suisse, on ne parle plus de son handicap, mais de sa médaille », confie Geneviève Aerni aux bords des larmes. Si sa mère l’accompagne à toutes ses activités, équitation, échec, poterie, céramique, elle admet que l’escalade offre un plus pour son fils : « Quand il grimpe, il a une autre perception de son corps et son handicap s’envole ».
Le constat est similaire pour Roland Paillex. Considéré comme aveugle avec 1% de vision par œil, il cumule 45 ans de grimpe. « J’ai perdu la vue progressivement, les choses sont donc plus simples pour moi », précise l’ancien thérapeute du CHUV. Agé de 60 ans, c’est Disco, son chien, qui lui permet de rejoindre ses salles de grimpes préférées deux à trois fois par semaine. Pour le Montreusien qui signe aujourd’hui un premier contact avec l’équipe suisse de paraclimbing, la compétition offre un réseau d’amis tout en apportant une discipline d’entraînement. Son rêve serait de voir plus de jeunes atteints de handicap rejoindre l’antenne romande des grimpeurs : « Ce sport permet d’adoucir notre quotidien et de briser les préjugés. »