Cinéma – « L’ami, portrait de Mix & Remix » de Frédérik Pajak
Charlyne Genoud | Par un documentaire d’un peu moins d’une heure et demie, Frédérik Pajak propose de restituer quelques-unes des multiples facettes de son ami et collègue Philippe Becquelin, plus connu sous le nom de Mix & Remix.

Lettre à un ami
Des débuts du Valais à la fin que l’on connaît, le documentaire de Frédérik Pajak suit assez neutralement la chronologie de la vie de son sujet. Le film se présente ainsi comme une longue lettre en voix-off, s’entamant par une adresse à « Philippe » que Frédérik Pajak dit d’abord avoir appelé « Mix ». Cette scission entre le personnage publique et la personne privée posée par ces premiers mots de la voix-off vaut presque comme fil rouge au film : il s’agira en effet pour sa famille de raconter la distance entre le père et le dessinateur, et pour ses amis de restituer la vérité de celui qui devait sans cesse faire rire. On peut ainsi tenter de chercher un positionnement dans le film, ou une trame, mais force est de constater qu’outre un hommage chronologique combinant les témoignages de personnalités locales, le documentaire ne propose pas un propos extraordinaire et ne crée rien de plus que ce qu’a réalisé Mix & Remix lui-même, tant au niveau artistique qu’au niveau affectif: des liens et des images.
Illustrer une vie
Le documentaire ne problématise ainsi pas mais illustre une vie. Alors que le film se concentre sur un artiste de génie, il semble regrettable qu’il soit si peu créatif, s’inscrivant dans les codes les plus rudimentaires du cinéma documentaire au niveau des enchaînements de contenu (plan de coupe avec voix-off et début d’interview – image d’archive – dessin de Mix & Remix) qui semblent se répéter automatiquement et dans un ordre convenu. Les images sont elles aussi d’une sobriété inimitable, faisant s’alterner le Grammont et le lac Léman vu du train. Peut-être qu’à l’image du style épuré de Philippe Becquelin, le film tente de rester sobre. A la forme minimale du film semble cependant manquer le génie du dessinateur, qui s’exprime dans les dessins ajoutés au film mais qui semblent quant à eux légèrement sous-exploités.
La vie lausannoise
Peut-être aussi qu’une lettre d’amitié telle que celle que propose Frédérik Pajak ne peut se faire sans un certain effacement de soi et de sa créativité, ce qui dans ce cas en fait un film très réussi. Ce documentaire permet ainsi de se replonger dans les différentes étapes de la carrière d’un dessinateur ayant marqué la Suisse romande, et ce à travers les époques. Le documentaire permettra ainsi à certain·e·s de se souvenir de la belle époque de la Dolce Vita, mythique club lausannois sur les murs duquel Mix & Remix peignait des images que les stroboscopes révélaient une fois la nuit tombée. C’est ainsi l’occasion pour une génération de revivre ses temps forts à Lausanne, pour une autre de tenter de l’imaginer, au travers des prises de paroles de nombreux personnages publiques romands tels que Vincent Kucholl, Hélène Becquelin, Nicolas Pahlisch, Antoine Duplan et beaucoup d’autres amis. Frédérik Pajak dresse donc sobrement le portrait d’amitiés, par un film finalement assez émouvant.
L’ami – Portrait de Mix & Remix
Documentaire, Frédéric Payak, Suisse, 2022, 80′, VF, 8/12 ans
Au cinéma d’Oron les 7 et 8 mai à 18h ; lundi 9 mai à 20h

