Accès à la Tour de Gourze limité
pour exploiter une source d’eau potable

entraverait les services de sécurité des environs et engendrant un détour d’une dizaine de minutes
Thomas Cramatte | La commune de Bourg-en-Lavaux veut se rapprocher de son objectif d’indépendance en eau potable. Actuellement contrainte d’acheter de l’eau à la ville de Lausanne, les autorités souhaitent tirer profit de la source de l’Arabie. Cet or bleu, qui jaillit de la Tour de Gourze, est propre, mais pour légaliser son utilisation et compenser la perte en eau potable de sa source principale polluée au chlorothalonil, la commune doit fermer une route qui mettrait en péril des exploitations agricoles. Cette solution à long terme ne laisse pas les riverains indifférents.
C’est un groupement d’une trentaine de personnes qui a fait opposition en juillet dernier. Si personne ne se dresse réellement contre l’utilisation de cet or bleu, ce sont plutôt les répercussions liées à son captage qui inquiètent les riverains. Pour protéger la zone où sera puisée l’eau de la source de l’Arabie, le chemin des Sous-Gourze, long de 150 mètres devra être fermé à toute circulation, empêchant la liaison entre le versant ouest et est de la Tour de Gourze : « Située en zone S1 (voir encadré Eaux souterraines), la Confédération recommande même de clôturer les alentours pour éviter toute pollution », précise le municipal en charge des eaux potables de Bourg-en-Lavaux, Jean Christophe Schwaab. Pour les riverains, la fermeture de cette route entraverait les services de sécurité des environs : « Les services d’urgence ne pourront plus intervenir rapidement, car ils devront faire un détour de plusieurs dizaines de minutes », s’inquiètent les opposants. Les riverains invoquent dans un communiqué une augmentation du trafic routier d’environ 30 % sur une route déjà saturée et dangereuse : « L’accès à la Tour de Gourze, classé monument historique, et au restaurant serait inaccessible aux véhicules motorisés et donc aux personnes âgées et handicapées. L’unique accès se fera par la petite route des Auges, où il est impossible de croiser ». Pour ne rien arranger, le projet ne prévoit pas d’espaces de stationnement à la fin de cette route, finissant en cul-de-sac. Le groupe des opposants souhaite que le chemin des Sous-Gourze demeure ouvert au trafic. « Il suffirait de sécuriser la cinquantaine de mètres qui traversent la zone S1 pour résoudre ces problèmes ».
Lieu touristique
Le restaurant situé au sommet de la colline (926 mètres d’altitude) sera inévitablement impacté par la légalisation de la source d’eau. « Aux prémices de ce projet, notre établissement se situait en zone S3. Mais depuis, notre propriété se retrouve en S2 », explique Christine Martin-Cossy, tenancière du restaurant. Pour légaliser la source de l’Arabie, plusieurs dézonages sont prévus : « Nous mettons à disposition les places privées du restaurant ainsi qu’une partie herbeuse pour nos clients et les touristes. Si nous ne pouvons plus utiliser ces infrastructures, qui va gérer le stationnement des véhicules ? », s’interroge la restauratrice. « Nous avons besoin d’eclaircissements par rapport à ce qui est possible de faire en zone 2 ». A ce niveau, la commune se veut rassurante : « Si le tronçon de route situé en zone S1 n’autorise plus aucune activité, cela ne condamnera pas l’accès motorisé à la Tour de Gourze et à son restaurant. Il sera néanmoins nécessaire de faire un détour par une autre route située en zone S2 », clarifie Jean Christophe Schwaab. « Le canton l’a confirmé : il sera possible de circuler et de stationner moyennant quelques garanties pour éviter toute pollution ». Toutefois, cette fermeture à long terme représente d’importantes contraintes pour les riverains. La Municipalité s’est dite prête à discuter afin de trouver des solutions raisonnables et acceptables pour tout le monde. Elle a évalué les questions de trafic et d’accès des services d’urgence afin d’honorer le principe de proportionnalité demandé par le groupe des opposants. Toutefois, les riverains regrettent que l’évaluation n’ait duré qu’une semaine par temps de pluie.
Interrogations
Le groupe d’opposants se questionne quant à l’utilisation à pleine capacité de la source de l’Arabie. La commune l’exploite déjà à hauteur de 50 % aujourd’hui. Sa légalisation permettra de capter environ 100’000m3/an. « La source de l’Arabie est située à haute altitude : ainsi, il n’est pas nécessaire de dépenser beaucoup d’énergie pour la pomper dans le réservoir de la Tour de Gourze, d’où l’eau redescend pour alimenter nos robinets avec une pression suffisante », détaille Jean Christophe Schwaab. « Cette production permettra d’assouvir entre 15 et 20 % des besoins communaux en eau potable ». Ce dossier de mise à l’enquête manque de précision pour les opposants : « Cette procédure est-elle vraiment plus rentable à terme que d’acheter l’eau à la ville de Lausanne ? » – « Quel impact cela aura-t-il sur mon terrain ? » s’inquiète de son côté le propriétaire d’une exploitation agricole en zone source. Sa ferme se retrouverait en zone S2, mais sera presque encerclée par la protection la plus stricte. Pour lui, cela équivaut à une expropriation : « La loi stipule qu’il n’est pas autorisé de faire pâturer des bêtes en zone S1, ni même de cultiver un simple potager ». Pour ne rien arranger, ses terrains sont loués à un exploitant d’une commune voisine. « Que vais-je faire de mes vaches ? Comment vais-je faire pour accéder aux prairies que je loue ? Que va-t-il advenir des pâtures si elles ne sont plus entretenues naturellement par les bovins, sans parler du risque de glissement de terrain ? N’était-il pas possible de capter l’eau ailleurs ? » Nous avons l’impression d’être de trop dans ce dossier ». Si toutes ces questions restent pour l’heure sans réponses, les opposants souhaitent qu’on leur propose une solution et que l’on respecte le principe de proportionnalité.

Eaux souterraines
Le territoire autour d’une source ou d’un puits est subdivisé en trois zones. L’objectif est d’assurer une protection contre les risques de pollution, qui va en décroissant avec l’éloignement. Les zones S1, S2 et S3 définissent les limites de temps nécessaires pour qu’une bactérie déposée à un endroit donné atteigne le captage. S1 Seules les constructions et les installations faisant partie du captage y sont autorisées. Tout trafic motorisé y est interdit. S2 L’épandage d’engrais de ferme liquide (fumier) n’y est pas autorisé. Une dérogation est nécessaire pour rependre les engrains. Les parcs, parcours de sport non motorisé et pistes de ski y sont autorisés. S3 L’épandage d’engrais de ferme liquide (fumier) y est autorisé. A l’exception des produits phytosanitaires et herbicides.
Sur la table du canton
Le dossier de mise à l’enquête de la source de l’Arabie a recueilli 25 oppositions et deux remarques. Des mesures de trafic et de vitesse sont en cours pour déterminer la pesée des intérêts. Une fois les oppositions traitées par le canton, la décision finale reviendra au Conseil communal, qui devra se prononcer sur ces travaux.
