Cinéma – Des films zurichois au cinéma d’Oron
Une occasion de voir deux productions bercées par la Limmat !
Retour sur le documentaire du Zurichois Stefan Haupt Journal intime, au cinéma d’Oron depuis deux semaines, et sur le film de fiction sorti hier Sami, Joe und ich, deux films nés de réalisateurs zurichois. Une occasion de voir deux productions bercées par la Limmat !

Journal intime: Un film-monde
« Questionnement large, questionnement trop large » peut-on penser à l’abord de la trame de Journal intime, un documentaire qui aborde tout, ou presque : à la quête de sens de la vie succède la question des réfugié.e.s, suivie de celle des hausses de loyer à Zurich. Un film constitué de mouvements politiques mais aussi physiques, puisque l’on va de Zurich à la Syrie, en passant par le Yémen pour revenir à Zurich, en pleine Street parade - un choc digne des plus grands théoriciens du montage. Se pose alors la question suivante; comment faire un film-monde, qui aborde toutes ces questions et ces pays sans rester dans une forme de survol ?
Polyphonie
Sous certains aspects, l’essai filmique de Stefan Haupt pêche en effet par cette approche trop globale. Le mêli-mêlo des sujets évoqués peut agacer, notamment parce qu’il s’accompagne de discours emprunts de lieux communs qui n’apportent pas grand-chose aux débats. Ainsi, peu de paroles prononcées par les nombreuses voix qui constituent l’énorme discours polyphonique du film se démarquent ou nous transcendent. Il y a une grosse voix en hoch-deutsch, celle du réalisateur, et une multitude d’autres voix, rapportant tour à tour des bribes de leur réalité en suisse-allemand. Récurrentes sont celles de la famille de Stefan Haupt, comme pour conserver une sorte d’ancrage.
La membrane qui nous sépare
Car étonnamment, tout en s’ouvrant au(x) monde(s) et aux voix, Zürcher Tagebuch de son titre original, reste profondément en Suisse. Le discours du film dégrade cependant savamment notre image de la réalité en la confrontant au monde. Dès lors, malgré les lieux communs, malgré ce survol de trop de sujets qui mériteraient d’être développés et approfondis (quoique cette critique soit contestable puisque que cela plaise ou non, ce n’est pas du tout l’objet du film) ce film touche à une forme d’essence. Comme si en nommant brièvement tous ces questionnements, Stefan Haupt parvenait à nommer avec force l’essence d’une intimité monde, d’une individualité globalisée. Son intimité, qu’il concède au spectateur et abandonne de ce fait, semble faire écho à celle de l’individu d’aujourd’hui, à l’intimité globalisée. Il semble ainsi que le Journal intime de Stefan Haupt ne puisse se faire sans y inclure le monde, car ce qui s’y passe est trop grave pour qu’il ne s’immisce pas dans son intimité.
Des repères dans l’univers
L’un des questionnements de la fille du réalisateur porte ainsi sur notre situation dans l’espace. On pourrait lui répondre en trente seconde en sautant sur notre Google Map, au degré près : « Oron : 46°33’58.1»N 6°49’56.8»E». » ! Mais la vraie situation, semble-t-il, se fait vis-à-vis de repères tangibles. Et comme elle le souligne, nous ne pouvons nous situer par rapport à l’univers. Avec l’apport de cette plus large échelle prennent ainsi tout leur sens les points de situation plus proches que sont les pays qui nous entourent que propose d’observer ce long-métrage.
Journal intime (Zürcher Tagebuch, Stefan Haupt, 2020). 100’
Sortie de la semaine au cinéma d’Oron : « Sami, Joe und ich »
« Ne laissez pas le monde vous détruire » scande une institutrice à ses élèves, en guise de conclusion à leur scolarité obligatoire. La caméra se focalise ensuite sur trois jeunes filles franchissant alors pour la dernière fois la porte de l’école, et qui en ouvrent bien vite une autre: celle du monde professionnel. Ayant souvent recours à des stéréotypes, le film zurichois de Karin Heberlein propose néanmoins de traiter un sujet original, puisqu’il propose de remettre en question ce que signifie « faire un apprentissage ». CG
« Sami, Joe und ich » de Karin Heberlein, 2020, 94’
