La petite histoire des mots
Femme
Georges Pop | Le dimanche 7 février dernier, nous avons fêté les 50 ans du suffrage féminin en Suisse. Il aura fallu 90 votations, étalées sur près d’un siècle, pour en arriver là. L’égalité entre femmes et hommes n’en est pas atteinte pour autant, notamment en termes de salaires. Il reste encore du chemin ! Le mot « femme », lui-même, est d’ailleurs riche en enseignements, dans la mesure où, au fil des siècles, il a été forgé dans des sociétés patriarcales qui assignaient au sexe, indûment dit « faible », un rôle de mère et d’épouse au foyer. « Femme », en français, nous vient du latin « femina » qui, originellement, voulait dite « femelle », mais encore « celle qui enfante » ou « celle qui allaite ». La plupart des linguistes s’accordent pour dire que le terme latin est issu d’une très ancienne racine indo-européenne qui, vraisemblablement, se prononçait « fé » et signifiait « téter ». Nous retrouvons d’ailleurs cette même racine dans les prénoms Félix et Félicité, aujourd’hui tombés en désuétude, qui signifient, littéralement, « heureux comme un nourrisson qui tète ». Dans l’Antiquité, sur le territoire gallo-romain, « femina » était en concurrence avec le mot « mulier », qui avait le même sens et venait d’une racine indo-européenne qui signifiait « faible », ainsi qu’avec le mot « uxor » qui désignait plus spécifiquement une épouse. « Femina » l’a finalement emporté sur les deux autres, mais on retrouve « mulier » notamment dans l’Italien « moglie » et l’espagnol « mujer ». La forme « femme », en ancien français, est attestée dès l’an 1080 dans la Chanson de Roland, le poème épique qui relate le combat fatal, dans les Pyrénées, du plus vaillant des chevaliers de Charlemagne, contre des guerriers, sans doute basques. Dans son « Dictionnaire françois » (dictionnaire du français), en 1680, le grammairien et lexicographe César-Pierre Richelet définit « femme » comme « une créature raisonnable faite de la main de Dieu pour tenir compagnie à l’homme ». En littérature, le mot « féminisme » apparût, quant à lui, pour la première fois, en 1872, sous le plume d’Alexandre Dumas fils qui, cependant, l’utilisa dans un sens péjoratif. Il écrivit : « Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent : Tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas reconnaître que la femme est l’égale de l’homme, qu’il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu’à l’homme. Nous nous permettrons de répondre aux féministes que ce qu’ils disent-là n’a aucun sens ». Dix ans plus tard, « féminisme » prit enfin le sens militant qu’on lui connaît désormais, grâce à la journaliste et écrivaine Hubertine Auclert qui consacra sa vie à se battre pour l’éligibilité des femmes et leur droit de vote. Petite digression intéressante : l’expression « remède de bonne femme », s’écrivait « fame » au Moyen-Âge. Il était alors question d’un remède de bonne réputation ou de bonne « fame », du latin « fama » qui signifie « renom », et que nous retrouvons dans l’adjectif « fameux ». Le mot de la fin à Frédéric Dard, l’auteur de San Antonio qui a vécu et est mort en Suisse. Il a écrit : « Je ne comprends pas les femmes de vouloir être les égales de l’homme, alors qu’elles lui sont tellement supérieures. C’est de la modestie, au fond ».