La petite histoire des mots
Lynx
Georges Pop | La polémique sur la présence du lynx en Suisse, et notamment en Valais, a rebondi la semaine dernière, après la publication d’une étude de l’Université de Berne qui a découvert tout un réseau de pièges qui expliquerait la faible présence du félin dans le canton. Le constat des scientifiques est sans appel: si le lynx est si peu présent en Valais, c’est parce qu’il est systématiquement braconné, en violation flagrante des lois qui le protègent. La méthode utilisée pour tuer l’animal est plutôt brutale: le piège consiste en un collet relié à une pierre suspendue par un câble. Lorsque le lynx passe sa tête dans le collet, le nœud du piège se resserre brutalement, éjecte l’animal dans les airs et l’étrangle. L’étymologie du mot « lynx » est, en définitive, assez banale. Le nom de ce félidé nous vient du latin « lynx », emprunté au grec ancien « lunx » (λύγξ), dérivé sans doute de l’ancien indo-européen « lewk » qui signifie blanc ou brillant ; référence peut-être à l’éclat des yeux des félins, capables de voir dans l’obscurité. Plus intéressante, en revanche, est l’origine de l’expression « avoir des yeux de lynx » pour parler des personnes qui ont une excellente vue. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette expression n’a aucun rapport avec les capacités visuelles du félin. En réalité, elle tire son origine de la mythologie grecque, et plus précisément de l’expédition de Jason, parti à bord de son navire, l’Argo, à la conquête de la mythique Toison d’or. Parmi les Argonautes qui formaient l’équipage du navire, se trouvait un certain Lyncée dont la vue était si perçante qu’elle avait le pouvoir, selon la légende, de traverser les murailles et les nuages, lui donnant la faculté de voir jusqu’au centre de la Terre. Au Moyen Âge, la confusion entre les termes « lynx» et «Lyncée », aux sonorités quelque peu similaires (homophonie), a donné lieu, dans la littérature, à l’expression « avoir un œil de lynx » que nous connaissons aujourd’hui. Pour en revenir au lynx, on notera que l’animal était déjà présent en Europe à l’époque des grandes glaciations. Il a inspiré à nos lointains ancêtres des peintures et des gravures comme celles, notamment, qui ont été découvertes dans la grotte de Lascaux, en Dordogne. Aujourd’hui, des programmes de réintroduction tentent de lui redonner une place dans le paysage européen, en dépit des réticences de certains chasseurs qui y voient une concurrence. Notons au passage que le terme « braconnier » nous vient, lui, du germanique « brakko » qui signifie « chien de chasse ». A l’origine, le braconnier était celui qui dirigeait des chiens de type braque, utilisés comme chiens d’arrêt. Le terme a fini par prendre le sens qu’on lui connait désormais, à savoir un homme qui pratique la chasse ou la pêche illégalement. Au féminin, on parle de « braconnière », terme peu usité car la pratique du braconnage est avant tout masculine.