La petite histoire des mots
Bagarre

Georges Pop | L’obligation du port du masque dans les transports et certains lieux publics provoquent, parfois, des tensions entre ceux qui se soumettent à cette contrainte sanitaire et ceux, plus rares, qui prétendent y déroger, au nom de leurs prétendues libertés individuelles ou par indifférence, égocentrisme et orgueil. Les remarques outrées des premiers exacerbent la susceptibilité des seconds et occasionnent des altercations et, notamment en France voisine, des bagarres, voire des violences qui défrayent tragiquement la chronique des faits divers. Récemment, une violente bagarre a même éclaté dans un avion qui reliait Amsterdam à Ibiza, dans les Baléares, deux passagers de ce vol de la compagnie KLM ayant refusé d’enfiler un masque, au grand dam de l’équipage et des autres passagers. En Suisse, la plupart du temps, on en reste au stade de l’algarade et de la bagarre verbale. Heureusement !
Voilà qui nous amène au mot « bagarre » qui définit tout à la fois un affrontement avec des armes, de façon organisée, mais aussi des paroles ou des gestes agressifs, à la manière des enfants. Les bagarres entre écoliers, sur le préau des écoles, ou entre frères et sœurs, à la maison, sont monnaie courante et exigent simplement l’intervention autoritaire d’une adulte pour y mettre fin. L’origine du mot « bagarre » n’est pas tout à fait claire. Au sens de rixe, ce terme serait apparu dans la langue française au début du XVIIe siècle, ou plus tôt, emprunté à l’occitan « bagarro » qui définissait une querelle violente. La langue occitane (langue d’oc) était alors largement en usage dans le sud de la France et le mot « bagarro » aurait lui-même été emprunté, non loin de là, au basque « batzarre » qui veut dire « confusion de personnes », ou « réunion ». Quant au mot basque, son origine est mystérieuse, le basque étant le seul « isolat » encore vivant en Europe, autrement dit la seule langue dont il est impossible, compte tenu des connaissances actuelles, de démontrer une quelconque filiation avec d’autres langues vivantes ou disparues. Pour en revenir au mot « bagarre », une autre étymologie l’apparente au mot celte « baga » qui voulait précisément dire « bagarre ».
Les Gaulois – il est vrai – avaient, du temps des Romains, une sacrée réputation de bagarreurs. Cette réputation se perpétue d’ailleurs dans la série de bande-dessinée Astérix où les célèbres et irréductibles Gaulois, imaginés par le scénariste Goscinny et le dessinateur Uderzo, non contents de casser régulièrement la figure des pitoyables légionnaires romains des garnisons voisines, se livrent à de spectaculaires bagarres collectives, avant de se réconcilier lors de banquets gargantuesques où sont avalés d’indénombrables sangliers à la broche. Terminons cette chronique par cette citation, frappée de bon sens et d’humour, du regretté acteur américain Robin Williams : « Ne cherchez jamais la bagarre avec une personne laide. Elle n’a rien à perdre ». Un conseil à suivre absolument en ces temps troublés !