Routes, ponts et douanes
Association ProLavaux – AVL, balade historique à Moudon
Jean-Gabriel Linder | C’est en suivant la carte Bel de 1783, qui montre la Grande Route de Berne à Genève et tous les repères visuels qui la bordent (gibets, maladaires, bornes, mais à l’exclusion des voies secondaires), qu’a commencé la balade historique conduite par Cécile Alvarez Vega, guide du patrimoine de Moudon région tourisme, à l’invitation de l’Association ProLavaux – AVL et d’Armand
Deuvaert, ce début octobre. Depuis les Romains, Moudon est au carrefour des routes de transit menant à la capitale helvète, Avenches. Au Moyen Age, les Savoyards firent de Moudon la capitale du pays de Vaud; tout était alors prétexte à taxe, comme la traversée d’un pont ou l’entrée dans une ville; l’arbitraire régnait; l’on se basait par exemple sur les signes extérieurs de richesse avérée ou pas – ainsi en allait-il des voyageurs juifs –, ou sur le prix des marchandises transportées. Les seigneurs de Moudon et environs ne dérogèrent pas à ces usages. Puis dès l’occupation bernoise de 1536, Berne, en concurrence avec Fribourg, favorisa l’entretien de cette route commerciale dont le coût était assuré par les taxes perçues auprès des voyageurs. Comme on a pu le voir sur place, l’ancien noeud routier de Bressonnaz comporte toujours l’auberge relais du domaine seigneurial des Cerjat, au confluent des rivières de la Broye et de la Bressonne, à côté des ponts à péage les franchissant. La Bressonne et surtout la Broye ont profondément creusé le Plateau suisse, à travers la molasse; en s’éloignant du grand pont à trois arches de Bressonnaz et en longeant la Broye au plus près, après être passé sous le pont moderne actuel de la route cantonale, l’on peut observer une grande haute paroi de molasse. Plus loin, une courte montée mène à l’ancienne entrée principale de la ville haute de l’époque savoyarde par le pont des Bornels (autrefois pont-levis). En empruntant la rue du Bourg, on longe des demeures d’artisans du 16e siècle, avec des fenêtres de style gothique tardif. En face du château de Carrouge, rénové par l’architecte Francis Isoz de Lausanne, en 1896, dans le style néo-médiéval, la fontaine de Moïse, alimentée par une conduite qui empruntait le pont, fournissait en eau ce quartier perché sur la colline de Moudon. A côté de la fontaine se succèdent la maison de Rochefort, siège du musée du Vieux-Moudon, et la maison de Denezy, siège du musée du peintre Eugène Bornand. Puis, en descendant de la ville haute par la rue du Château, on laisse sur sa droite, l’ancienne maison seigneuriale de Mézières, utilisée en prisons de district par la commune, de 1818 à 1871, devenue centre culturel depuis 1976. Plus bas dans la même rue, à gauche, la spectaculaire toiture à demicroupes (1646) de la maison d’Arnay lui vaut d’être connue sous le nom de «maison bernoise», à cause de la forme de son avant-toit; elle avait appartenu aux Cerjat, les seigneurs de Combremont-le-Petit. Cet imposant large avant-toit soutenu par des poteaux de bois protège une terrasse construite sur les entrées des caves, qui accueillait probablement des bancs de marché dans le prolongement des portiques à arcades de maçonnerie qui bordaient autrefois la rue, en usage lors des quatre grandes foires annuelles de la ville. A découvrir encore l’escalier – méconnu du grand public – de la Poterne et le passage des Moulins de la Mérine, au pied de la tour de Broye, avant de rejoindre la ville basse avec notamment son volumineux grenier bernois, construit de 1774-1777, la réserve de blé pour tout le pays de Vaud, sans oublier le temple Saint-Etienne, la «petite cathédrale de la Broye», dont le clocher beffroi avait à sa base une des autres portes de Moudon donnant accès à la douane, l’entrepôt surveillé et gardé abritant les marchandises des commerçants en transit. Moudon, une ville riche de son histoire, à voir et revoir.