Xénophobe
Georges Pop | Le mot xénophobe se répand régulièrement, notamment dans la presse en période électorale, pour étiqueter des individus où des formations qui tirent profit ou aiguisent l’aversion des étrangers pour gonfler le nombre de leurs disciples ou sympathisants. Il est né de la fusion de deux mots grecs: ξένος (xénos) qui veut dire étranger et φόβος (phóbos) qui l’on traduira par peur ou effroi. Curieusement, ce mot n’existait pas chez les Grecs anciens. Du temps de Platon, les patriotes allergiques aux étrangers n’étaient jamais qualifiés de xénophobes mais de misoxènes, μῖσος (mîsos) voulant dire haine, ou aversion. L’origine du mot xénophobe est restée quelque peu mystérieuse jusqu’en 1984 lorsqu’un professeur de l’Université d’Aix, en France, publia une chronique intitulée «Naissance d’un mot grec en 1900». Pierre Villard – c’est son nom – y révéla que ce terme fit pour la première fois son apparition dans le tirage du Larousse illustré en 1904, quatre ans après la parution d’un récit d’Anatole France intitulé «Monsieur Bergeret à Paris». L’auteur, qui militait alors pour la réhabilitation d’Alfred Dreyfus, y tournait finement en dérision les antisémites et autres xénophobes; mot de sa composition exclusive! Xénophobe est donc bien une invention linguistique française imaginée par Anatole, éloquent helléniste; un mot qui embrasse de nos jours une émouvante gloire internationale, de l’anglais à l’espagnol en passant par le grec moderne qui l’a également adopté, peut-être à son insu. On terminera par cette pénétrante citation de l’humoriste français Raymond Devos: J’ai un ami qui est xénophobe. Il déteste à tel point les étrangers que lorsqu’il va dans leur pays, il ne peut pas se supporter…