La petite histoire des mots
Epidémie
Georges Pop | Est-il nécessaire de justifier le choix du mot « épidémie » pour la chronique de cette semaine ? Non ! Sauf peut-être pour celles et ceux qui ne lisent jamais un journal, n’écoutent jamais la radio, ne regardent jamais la télé et se désintéressent des informations et des rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux; ce qui par définition exclut toutes celles et ceux qui parcourent ces lignes. Il est question d’« épidémie » lorsqu’une maladie se répand. Ce mot est un héritage du latin « epidemia » qui l’a emprunté au grec « epidemia » (ἐπιδημία), issu des mots « epi » qui veut dire « sur » et « dêmos », le peuple. Littéralement le terme désigne quelque chose « qui circule dans le peuple ». Le terme a été utilisé pour la première fois par Hippocrate. Le philosophe et médecin grec fut le premier, vers 410 av. JC., à décrire une « épidémie » causée par une maladie provoquant un gonflement douloureux diffus et transitoire des glandes. Il décrivit, sur l’île de Thassos, une affection passagère, touchant des adolescents fréquentant les gymnases de l’île, et se manifestant par un gonflement devant l’oreille, accompagné chez quelques malades d’une inflammation douloureuse d’un testicule. Le descriptif précis d’Hippocrate permet aujourd’hui d’affirmer qu’il fut alors le témoin d’une épidémie d’oreillons. En vieux français, le terme « yipidimie » est avéré dès le milieu du XIIIe siècle. Il se transforma en « epydimie » puis en « epydemie ». Il convient aujourd’hui de distinguer une « épidémie » d’une « pandémie », autrement dit d’une maladie qui touche la planète entière, le grec « pan » (πᾶν), voulant dire « tous ». Quant au mot « endémie », il définit une maladie qui reste confinée à une seule région, le terme grec « endêmía » (ἐνδημία) signifiant « séjour ». L’épidémie la plus sinistre de l’histoire reste la peste noire. Causée par une bactérie, et non un virus, elle aurait tué la moitié de la population européenne entre 1347 et 1351. On estime à 100 millions le nombre de morts laissés dans le monde entier par cette infection. Quant à la grippe espagnole, elle a fait plus de victimes entre 1918 et 1919 que la Première guerre mondiale : entre 30 et 100 millions ! Cette pandémie venue de Chine (déjà) doit son nom au roi d’Espagne Alphonse XIII qui fut l’une de ces plus célèbres victimes. En guise de conclusion, on soulignera que cette chronique n’a pas pour vocation de semer la panique mais d’instruire, très modestement, le lecteur. A cet égard, on rappellera ici que le mot « coronavirus » désigne non pas un virus, mais une famille de virus qui, vus au microscope, ont la singularité de porter une sorte de couronne (en latin « corona »). Le nouveau « virus à couronne », responsable de l’épidémie actuelle, est certes très virulent, mais il n’est fatal que dans moins de 2,5% des cas. Il faut juste savoir qu’une personne contaminée par le coronavirus est susceptible d’infecter entre 1,4 et 3,8 autres personnes. Le coronavirus est donc un peu plus contagieux que la grippe H1N1 (entre 1,4 et 3,1) mais nettement moins que la rougeole (entre 12 et 18), maladie qui peut elle aussi être fatale et dont le vaccin est, par une minorité de parents, catégoriquement refusé !