La petite histoire des mots
Panneau
Georges Pop | Depuis vendredi dernier, à Berne, la « Bundesplatz » n’a plus seulement son nom en allemand : un nouveau panneau en quatre langues a été posé devant le Palais fédéral, avec la mention « Place fédérale » en français, « Piazza federale » en italien et « Plazza federala » en romanche. Ce nouveau panneau multilingue a été inauguré à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle. Dans le cas qui nous occupe, le mot « panneau » désigne évidement une plaque servant de support à des inscriptions, mais aussi une enseigne, un écriteau ou une pancarte. Mais le terme définit aussi une surface plane, de carton, de bois ou de tôle, sans oublier nos contemporains « panneaux solaires ». Le mot nous vient tout simplement du latin vulgaire « panellus », issu de « pannus » qui désignait un morceau d’étoffe. La proximité avec le mot « pagne » n’échappera sans-doute pas au lecteur avisé, le « pagne », lui-même dérivé de « pannus », étant un vêtement très sommaire, fait d’une pièce de tissu, de cuir, ou de matière végétale. C’est encore de « pannus » et de « panellus » que dérive le mot « panel » qui désignait jadis une pièce de vêtement ou une couverture de selle. C’est d’ailleurs ce mot « panel » qui finira par se transformer en « panneau », dans son acception française moderne, certains panneaux étant fait de tissu. Il est cocasse, au passage, de noter que le terme « panel », après avoir rebondi en anglais, nous est revenu pour désigner, chez les sondeurs d’opinion, un échantillon de population censé être représentatif d’une population dans sa globalité, en matière d’habitudes de consommation ou d’orientation politique. De tous les panneaux, ce sont sans nul doute les panneaux routiers qui sont les plus nombreux de nos jours. La représentation symbolique sur les panneaux de circulation, par des pictogrammes ou des images, fit évidement son apparition avec l’essor de l’automobile : ils se répandirent sur le bord des routes en 1902 en France, en 1903 en Italie, puis en 1907 en Allemagne. C’est en Suisse, lors de la convention internationale de Genève de 1909, que quatre d’entre eux furent standardisés au niveau international: virage, croisement, cassis (dos d’âne) et passage à niveau. Voyons, pour conclure, d’où nous vient l’expression « tomber dans le panneau ». Eh bien le mot « panneau » désignait au XVe siècle, dans le monde de la chasse, un filet que l’on tendait dans l’espoir d’attraper des petits animaux comme des lapins, des lièvres où des oiseaux. On utilise donc l’expression « tomber dans le panneau » pour dire « tomber dans un piège sans même s’en rendre compte ». L’expression, contrairement à certaines idées reçues, n’a donc rien d’argotique ou de trivial. Au contraire ! Comment ne pas songer enfin à tous les panneaux publicitaires qui sont parfois autant de pièges à gogo. Dans sa chanson « It’s Alright, Ma », Bob Dylan entonne ce refrain : « Les panneaux publicitaires te trompent, te font croire que tu es celui, qui peut faire ce qui n’a jamais été fait, gagner ce qui n’a jamais été gagné, et pendant ce temps la vie dehors continue, tout autour de toi. »