Atelier des enfants, Lima, Pérou
Jean-Jacques Gloor | Christiane Ramseyer n’est pas une inconnue dans la région, puisqu’elle est née à Oron. A la fin des années 1970, elle s’est rendue au Pérou en qualité de volontaire. Elle n’en est plus repartie. Touchée par la précarité des familles vivant dans le bidonville et surtout par la vulnérabilité des tout jeunes enfants dont la mère allait travailler la journée, elle a créé une garderie. Confrontée au décès de l’un de ses protégés suite à une diphtérie, elle s’est juré que plus aucun enfant sous sa garde ne mourrait pour des causes facilement évitables. De là est partie l’idée d’un dispensaire pour le suivi nutritionnel et médical des enfants. Mais dans le bidonville, rien n’est facile: il lui a fallu faire 178 fois l’aller-retour au Ministère de la Construction pour obtenir le terrain où a été construite la garderie!
Aujourd’hui, soit 37 ans après, Christiane Ramseyer est à la tête d’un centre de 80 collaborateurs qui a fourni des prestations à près de 20’000 bénéficiaires en 2013 sous le nom de «Taller de los Niños». Cette association est soutenue en Suisse par une association-sœur, l’Atelier des enfants, issue d’un groupe de parents et d’amis de la région d’Oron qui ont assisté Christiane Ramseyer dès ses débuts.
Les activités du Centre s’organisent autour de 5 axes.
Premier axe: l’éducation
Des foyers éducatifs accueillent des enfants de 6 mois à 3 ans gardés et stimulés par des femmes de la communauté formée par Taller de los Niños. Cela permet de donner un métier à ces personnes et de faire passer dans la communauté des pratiques éducatives éprouvées. L’équilibre nutritionnel des petits est assuré lors des repas et collations, ce qui n’est souvent pas le cas à la maison.
Le centre éducatif reçoit des enfants de trois à cinq ans. Il offre aux enfants démunis une éducation de qualité dans un lieu sûr, un suivi médical et nutritionnel. Il permet d’établir un contact étroit avec les parents pour améliorer les pratiques éducatives au sein du foyer.
Deuxième axe: la santé
Le centre de santé, animé par des médecins, des infirmières et des psychologues, assure le suivi pédiatrique et les vaccinations des enfants dès la naissance. Il propose un espace d’accompagnement à la parentalité autour d’ateliers collectifs sur l’hygiène, les soins et le développement de l’enfant. Il permet d’identifier les cas de dénutrition et d’inscrire les parents dans des ateliers de conseils nutritionnels afin de favoriser la santé et le développement des petits. Il promeut la santé sexuelle et reproductive de la femme et de l’adolescente afin de prévenir, le cas échéant, une deuxième grossesse non désirée.
Un Bus de la santé se rend dans les coins les plus éloignés du bidonville, là où se trouvent les populations les plus vulnérables. Cela permet de procéder à un suivi nutritionnel des enfants, de les vacciner et de dispenser des conseils d’hygiène et de nutrition aux parents. Plus de 1000 enfants en ont bénéficié en 2013.
Troisième axe: la formation professionnelle
Des adolescent(e)s sont formé(e)s aux métiers de machiniste textile, de coiffeuse ou de garde d’enfants. L’avantage du métier de coiffeuse est qu’il peut être pratiqué à domicile tout en veillant sur les enfants. Quant aux machinistes textiles, la contribution du centre ne se limite pas à la formation, mais aussi au placement dans des usines avec lesquelles le Centre a des contrats et au suivi des jeunes qui doivent être encadrés au début de leur activité professionnelle.
Quatrième axe: les actions en faveur de la communauté
Un programme vise à ce que chaque bébé, enfant, adolescent ou adulte soit inscrit dans les registres d’état civil et qu’il bénéficie ainsi de ses droits de citoyen. En plus d’une action à la Maternité, des sessions d’inscriptions ont été organisées à différents endroits du bidonville avec le concours des autorités officielles.
Cet axe comprend surtout des actions importantes en vue de répondre aux besoins des mères adolescentes, qui sont à l’origine de la moitié des naissances dans le bidonville. Ce programme inclut un suivi de la mère et de l’enfant, l’accompagnement des mères dans les dispensaires, l’encadrement des cas sociaux et de violence, un travail d’acceptation d’enfants non désirés, etc. Et il y a aussi un atelier pour les papas!
Cinquième axe: le partage des connaissances, le volontariat
Ce domaine inclut la collaboration avec les autorités, l’UNICEF, les centres de soins ambulatoires officiels et l’organisation de stages de volontaires suisses ou en provenance des Amériques.
Tout cela, c’est l’organisation. Mais ce qui compte à Taller de los Niños, ce sont les personnes, ce qu’elles vivent, ce que dit leur regard. Pour répondre à leurs besoins, il faut être créatif comme lorsque l’on a constaté un grand nombre de cas d’anémie chez les enfants. On a alors lancé la production de biscuits au sang de poulet, cuits dans un four offert par un généreux donateur suisse. Thérapeutique simple et efficace!