Votations du 28 septembre – Valeur locative
« Ceux qui rêvent d’acheter une maison à rénover risquent d’être les grands perdants »
Le 28 septembre, les Suisses se prononceront sur la suppression de la valeur locative. Cet impôt, en vigueur depuis 1958, impose les propriétaires comme s’ils percevaient un loyer de leur propre logement. Pour mieux comprendre les enjeux de cette réforme fiscale, nous avons rencontré Doris Lachat, agente immobilière et fondatrice de Immobilier DL Sàrl.

Le Courrier : En quelques mots, c’est quoi la valeur locative ?
Doris Lachat : C’est un impôt payé par les propriétaires occupant leur logement. L’Etat estime ce que vaudrait leur bien s’il était loué, et applique une valeur locative, généralement 60 à 70 % du loyer réel.
Pourquoi existe-t-elle ?
Pour assurer une certaine équité entre locataires et propriétaires. Les locataires ne peuvent pas déduire leur loyer, alors que les propriétaires, eux, peuvent déduire leurs frais d’entretien et d’hypothèque. La valeur locative compense cela.
Et si on supprime cette valeur locative ?
Les propriétaires ne pourront plus déduire leurs frais d’hypothèque, d’entretien et de rénovations. Sauf, durant dix ans, pour les premiers acquéreurs. En clair, les propriétaires seront moins incités à rénover, et certains locataires pourraient aussi en souffrir indirectement. En cas de suppression, les pertes sont estimées à 3.8 milliards par année.
Un manque à gagner qui pourra être compensé avec l’autre texte de cette votations, celui de l’impôt sur les résidences secondaires ?
Difficile à dire, mais je ne pense pas complètement. L’Etat perdrait 3,8 milliards de recettes. C’est une somme colossale. Ce manque à gagner devra de toute manière être compensé, il n’est pas exclu que les communes doivent augmenter leurs impôts.
D’après-vous, qui sont les grands gagnants en cas de oui ?
Les propriétaires avec peu ou pas d’hypothèque seront les gagnants. Mais pour les autres, et pour le marché en général, il y a des risques de déséquilibres.
Quel impact sur la construction et la rénovation ?
Moins de travaux, c’est sûr. Les propriétaires perdront l’avantage fiscal de déduire leurs rénovations. Résultat : moins de chantiers pour les artisans et des biens à rénover qui perdront de leur attractivité.
Ça veut dire que certains biens vont perdre de la valeur ?
Oui, les maisons avec beaucoup de rénovations pourraient se vendre moins cher, car elles deviendront plus difficiles à vendre. A l’inverse, les biens neufs et récents vont garder, voire augmenter, leur valeur. Les prix entre ces deux types de biens pourraient connaître une plus grande différence qu’aujourd’hui.
La suppression pourrait-elle freiner la hausse des prix de l’immobilier ?
Non. Les prix montent surtout parce que l’offre est trop faible, spécialement dans le canton de Vaud. On prévoit encore une hausse de 3 à 5 % des loyers l’an prochain. La suppression de la valeur locative n’inversera pas cette tendance.
Que disent vos clients ?
Pour l’instant, peu de réactions. Les propriétaires voient surtout la disparition d’un impôt, mais ils oublient que cela entraîne aussi la perte de déductions. Ceux qui rêvent d’acheter une maison à rénover risquent d’être les grands perdants.
Votre pronostic pour le vote ?
Difficile à dire. Souvent, les gens votent sur l’apparence : « on nous enlève un impôt, super ! ». Mais ils ne voient pas les effets secondaires. Comme souvent, ce que l’Etat retire d’un côté, il le reprend ailleurs.