Votation populaire du 9 juin 2024
Quelques réflexions

Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Le peuple suisse se prononçait sur quatre objets, dont trois en lien avec la santé. Le premier « Initiative d’allègement des primes », lancée par le parti socialiste exigeait que les primes à la charge des assurés s’élèvent au maximum à 10 % du revenu disponible et que cette réduction soit financée à raison de deux tiers au moins par la Confédération, le solde par les cantons. Cette initiative a été refusée à 55,5 % des voix. Lors de la campagne, le canton de Vaud a souvent été cité, lui qui applique un plafonnement des primes à 10 % du revenu depuis 2019. Le système, fruit d’un compromis politique historique et plébiscité dans les urnes en 2016, mêlait adroitement baisse d’impôts pour les entreprises et hausse des prestations sociales : plafonnement des primes à 10 % du revenu et allocations familiales améliorées. Le deal était équilibré, la droite comme la gauche y trouvant son compte, et le financement assuré par le budget cantonal. Le modèle sur lequel nous nous prononcions dimanche dernier impliquait une forte hausse des subsides fédéraux avec des conséquences financières pour la Confédération et les cantons (6,5 milliards de francs en 2026 dont 5,2 milliards à charge de l’Etat fédéral et 1,3 milliard à celle des cantons) et un allégement sur le montant de la prime pour les assurés concernés. Il faut se rappeler que cantons et Confédération ne se financent pas de la même manière. La principale source de financement d’un canton sont les impôts prélevés sur le bénéfice, les revenus et la fortune (entreprises, salariés et rentiers). Quant à la Confédération, elle se finance d’abord par l’IFD (Impôt fédéral direct) prélevé auprès des entreprises et de la classe moyenne (35 % des recettes en 2023) et bien sûr la TVA, que nous payons tous (31 % des recettes en 2023). Donc, où puiser pour réunir la somme de ces nouvelles subventions ? Hausser la TVA, créer une autre taxe, augmenter l’IFD ? S’il est indéniable que nous devons trouver un système plus solidaire pour soulager les familles et personnes qui se trouvent étranglées par les montants des primes, la solution de fédéraliser la limite des 10 % n’a pas convaincu, plus particulièrement en Suisse allemande. Le flou du texte concernant le financement et le fait que les causes de l’augmentation des coûts ne soient pas évoquées, n’ont pas aidé à son soutien. Qu’entend-on exactement par revenu disponible ? Quelle sera la prime de référence ? En effet, chaque caisse maladie offre des modèles différents (médecin de famille par exemple), ceci en plus des différentes franchises à choix. Les primes changent d’un canton à l’autre. Bref, c’est complexe. De plus, les politiques de la santé et sociales sont sous responsabilité cantonale et les subsides sont un instrument de cette politique. Vaud a choisi une limite du coût des primes à 10 % du revenu, Genève, par un vote populaire, s’est prononcé pour un subventionnement accru aux primes pour les revenus les plus faibles. Dans ces deux cantons, le peuple a choisi son modèle et ces derniers ne sont plus remis en question. Je pense que cette manière de procéder est la voie à suivre pour soulager les assurés qui rencontrent des difficultés. Pour l’heure, c’est le contre-projet qui devrait entrer en vigueur. Ce dernier prévoit de lier les montants des subsides accordés par les cantons aux coûts de la santé sur leurs territoires respectifs.
Le deuxième objet « Initiative pour un frein aux coûts » prévoyait la mise en place d’un mécanisme semblable à celui du frein à l’endettement La Confédération, les cantons, les assureurs maladie et les fournisseurs de prestations devaient se concerter pour que l’augmentation des coûts ne soit pas beaucoup plus élevée que l’évolution des salaires moyens et de l’ensemble de l’économie. Cet objet a été refusé à 63 % des voix. C’est compréhensible vu que les initiants ne définissaient pas avec précision les mesures envisagées. Or le secteur de la santé en Suisse occupe environ 13 % des emplois. Ces milliers de travailleurs (hôpitaux, cabinets médicaux, EMS, pharma, technologie de pointe….) ont les mêmes réflexes et mêmes soucis que les employés d’autres secteurs touchés par des restrictions. Ils craignent une détérioration de leurs conditions de travail déjà difficiles (on peine à recruter du personnel soignant) et une baisse de qualité dans les prestations fournies. Le Parlement et le Conseil fédéral mentionnaient eux, un mécanisme trop rigide et ne tenant pas compte des facteurs importants tels la démographie ou les progrès de la médecine. C’est pourquoi un contre-projet a été élaboré et entrera donc en vigueur. Il prévoit que le Conseil fédéral s’entende tous les quatre ans avec les acteurs de la santé pour fixer une limite à l’augmentation des coûts de l’assurance maladie obligatoire. Les coûts de la santé ne peuvent pas baisser tant que le volume des prestations fournies augmente. Ces prestations sont demandées par la population qui à l’évidence craint une limitation d’accès aux soins. On vit aussi plus longtemps, en meilleur santé avec un système sanitaire que bien des pays nous envient. Alors oui, il y a des pistes d’économies en améliorant la prévention, la promotion de la santé et l’efficience, en évitant les doublons, en révisant plus régulièrement la rémunération des actes médicaux, en s’intéressant à la construction du prix de certains médicaments et en incluant davantage les patients dans les discussions qui évoquent les avantages et inconvénients des options de traitement. Je suis bien placée pour savoir qu’un traitement non compris et non accepté sera toujours un coût qu’on aurait pu économiser.
Le troisième objet « Initiative populaire pour la liberté et l’intégrité physique » est refusée à 74 % des voix. Le flop était annoncé. Ce texte conçu lors de l’instauration du pass Covid stipulait que toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’une personne doit obtenir le consentement explicite de celle-ci. De plus, le refus de donner ce consentement ne devait ni être sanctionné, ni entraîner de préjudices. Le Mouvement suisse pour la liberté (MSL) a lancé son initiative à une période où les mesures anti-Covid fédérales restreignaient une partie de la vie de la population. Nous étions dans une situation inédite et très particulière. Tant de familles ont été touchées par un décès dû au Covid avant que la vaccination soit possible. Dans ces moments, il est logique que l’Etat édicte des mesures pour protéger le plus grand nombre. La vaccination n’est pas obligatoire en Suisse mais des règles peuvent être imposées à ceux qui la refusent et ceci dans l’unique but de protéger la collectivité. L’égoïsme de quelques-uns ne doit pas prétériter la sécurité sanitaire et économique du plus grand nombre.
Le quatrième objet « Loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables » a été accepté à 69 % des voix. Le développement des énergies renouvelables indigènes qui renforce notre sécurité d’approvisionnement et réduit notre dépendance vis-à-vis du pétrole et du gaz étrangers, a largement convaincu. C’est un grand OUI à une accélération de production d’électricité locale grâce au soleil, à l’eau et au vent. Les Suisses, avec le conflit ukrainien, ont pris conscience de l’urgence de se prendre en main et par là, de cesser de bloquer pendant des années des projets de rehaussement de barrages, de parcs solaires ou éoliens. Cela ne veut pas dire que la population est prête à voir saccagés des paysages auxquels elle tient. Elle fait confiance aux autorités pour des choix judicieux, au cas par cas, et tenant compte de la préservation de notre environnement.