Vieillesse
Roger Cachin, Palézieux | A l’heure où, comme un félin silencieux, la vieillesse nous surprend, à l’heure où les rhumatismes prennent la place de l’érotisme et que nos sphincters de moins en moins fiables nous font perdre notre belle assurance, ne craignons pas les mots, ni les maux… Il est temps de faire le bilan de ce que fut notre vie sentimentale, sociale, et mesurer rétrospectivement ce qu’elle nous a apporté. Pas facile de l’évaluer! Comme l’oiseau sur la branche, toujours prêt à s’envoler pour se cacher dans le sous-bois de la mémoire de notre enfance; la seule faculté bien conservée. Notre vie laborieuse est plus palpable, plus mesurable. Heureuse? Aventureuse? Captivante? Décevante? Peu importe ce qu’elle fut; en franchissant les portes de l’EMS, nous commençons une nouvelle vie, celle du partage obligé où ce sont ceux qui n’ont rien qui sont les plus enclins à partager avec leurs voisins. Ici, seuls le médecin et les infirmières ont un poste à responsabilités; il faut oublier que nous en avons eues, qu’elles faisaient de nous un décideur, parfois critique, dans le but de gagner de la confiance ou de l’argent, bien futile en ce moment. Ici, on ne craint pas de perdre sa situation… mais sa raison.
La présence de rides naissantes, qui furent la hantise de nos compagnes, sont maintenant bien présentes, elles soulignent agréablement leurs charmants sourires qui est celui de toutes les grands-mamans… Côté grands-pères, largement minoritaires dans l’établissement, ils jouissent enfin du succès qu’ils prétendent avoir eu durant leur jeunesse!
Les remarques endurées, parfois désagréables, que l’on a pu nous adresser durant notre vie, on en a que faire, on est prêt à les effacer! L’important pour nous c’est que nous puissions gérer l’inéluctable vieillesse en toute lucidité et que les débats nous concernant ne reposent pas uniquement sur la responsabilité de nos enfants. Bienveillants, ils nous disent gentiment… Je sais… je sais, comme nous le disions à nos parents il y a fort longtemps. Aujourd’hui, nous savons que l’on ne sait jamais. (J.-L. Dabadie). C’est cela, la vieillesse, à force de décliner à petit feu, le grand brasier va finir par nous consumer… C’est cela la nature… Les juniors ne veulent pas en entendre parler, c’est cela la jeunesse, qu’ils la vivent!