Une vie de chien…
A. Cardinaux-Pires. |. C’est juste après avoir suivi presque religieusement Darius Rochebin sur la RTS que le renard roux prit congé de sa famille en embrassant sa femme sur le museau. Comme à son habitude, il contrôla son sac de montagne. Au fond, il y trouva une pince, un marteau, une gourde remplie d’eau au sirop de myrtilles et enroulée dans du papier du journal régional, son casse-croûte – un morceau de pain et un bout de fromage de chèvre – qu’il affectionna beaucoup pour son goût du terroir. Il ajusta d’une patte fatiguée les sangles du sac, à son dos maigrelet, plaqua sa lampe frontale sur son front ridé, mit ses bottes en caoutchouc, passa son vieil imperméable tout raccommodé sur son poil rêche. Dehors, il commença à pleuvoir. Quelle météo pourrie ce printemps, songea-t-il se souciant dès lors des passages boueux autour du poulailler. Sur le pas de la porte son fils ainé, un adolescent boutonneux, vînt lui souhaiter une bonne nuit de travail et l’apostropha: «A ta place papa, moi je m’affilierais au syndicat des renards, car c’est une vie de chien que tu mènes, tu n’as jamais de soirées avec les tiens et en plus passer tes journées essayant de rattraper les longues nuits blanches, cela ne peut que nuire à ton équilibre mental.» Surpris par tant d’audace son géniteur lui rétorque – un renard a toujours été malin et rusé, et ça mon petit on ne peut l’être que la nuit, quand tous les chats sont gris…