Une rétrospective d’un grand photographe suisse trop tôt disparu
Pierre Jeanneret | Le Musée de l’Elysée à Lausanne présente jusqu’au 1er mai l’œuvre de Werner Bischof (1916-1954). Né à Zurich, il y fréquente l’Ecole des arts appliqués. Ses premiers travaux sont de caractère assez formel et esthétisant. On remarquera ses superbes agrandissements de fleurs. Puis il se tournera vers le reportage, où il donnera sa pleine mesure.
Entre 1945 et 1950, il effectue plusieurs voyages à travers l’Europe dévastée par la guerre. Les populations – en Allemagne, en Italie ou encore en Europe centrale – tentent de survivre au milieu des bâtiments détruits. Bischof accorde une attention particulière aux enfants, souvent orphelins, qui traînent dans les rues ou vivent tristement en orphelinat. Certaines de ses prises de vue sont bouleversantes, même si elles témoignent toujours d’une grande pudeur. Jamais de sensationnalisme ni de voyeurisme dans ses reportages !
Dès 1949, il fait partie de la prestigieuse agence Magnum Photos, aux côtés des plus grands, comme Henri Cartier-Bresson ou Robert Capa. En 1951-1952, il effectue plusieurs reportages en Asie. C’est l’Inde, dont il montre la grande misère. C’est l’Indochine, alors en guerre, mais dont il illustre surtout l’aspect éternel, comme ce buffle tirant une charrue dans une rizière inondée. C’est Hiroshima au Japon: la population attend la visite de l’empereur vénéré Hirohito, mais à l’arrière-plan on devine le squelette des bâtiments atomisés. Loin d’être de simples photos de reportage, les clichés de Bischof présentent tous une grande beauté formelle. Qu’ils soient en noir-blanc ou en couleurs, ils constituent de véritables tableaux.
En 1953-1954, Werner Bischof parcourt les Amériques. Il saisit l’essentiel de la civilisation étasunienne: autoroutes, flots de voitures, réclames pour Coca-Cola ou cigarettes… Puis son voyage se poursuit en Amérique centrale et du Sud: amérindiens tous revêtus de leur costume traditionnel, cérémonies religieuses au Mexique, architecture inca du Machu Picchu, qui le fascine. C’est hélas sur une route des Andes que Bischof trouvera la mort dans un accident de voiture. Mais il continue à vivre à travers son œuvre photographique remarquable de diversité, de qualité esthétique et de sympathie envers les hommes.