Une édition presque parfaite – Fredi M. Murer, justement honoré
72e festival de Locarno

Colette Ramsauer. |. Sur la rive du lac Majeur, du 7 au 17 août, le plus grand événement cinématographique suisse a donc eu lieu. A cette occasion, les hommages à nos chers disparus Freddy Buache, Claude Goretta et Bruno Ganz n’ont pas manqué. Le réalisateur suisse Fredi M. Murer (Léopard d’or en 1985 pour L’âme soeur) a été honoré pour sa carrière exemplaire, également l’acteur sud coréen Song Kang connu à travers les films de Joon-ho Bong (Parasite en 2019) et l’actrice américaine, encore jeune mais si prolifique, Hilary Swank (Gail Getty dans la série Trust). Au risque de ternir son image d’ouverture aux yeux de certains, le festival a récompensé le réalisateur américain John Waters (Pink Flamingos, 1970) père du cinéma trash.
246 films
Lili Hinstin, la nouvelle directrice a favorisé l’internationnalité ainsi que les films de jeunes auteurs. Sa première édition, en tant que directrice artistique, a présenté une ligne éditoriale claire et éclectique, ouverte à tous les genres, à tous les continents. Lors de cette 72e édition, elle a défendu 246 films, dont la rétrospective Black Light, éblouissant inventaire du cinéma noir avec des films mythiques comme Orpheu Negro 1959 de Marcel Camus ou Do The Right Thing 1989 de Spike Lee. 432 projections, dont celles de la Piazza Grande ont attiré un public nombreux, 9300 spectateurs pour le dernier film de Tarantino! Personne n’a été surpris d’apprendre que le Léopard d’Or, grand prix de la ville de Locarno, soit attribué à Vitalina Varela, de Pedro Costa et le prix d’interprétation féminine à son rôle titre. Le prix du public, quant à lui, est revenu au film français Camille, de Boris Lojkine.
Romands sélectionnés
Des réalisateurs romands présents à Locarno, Maya Kosa et Sergio Da Costa avec un intéressant documentaire-fiction L’île aux oiseaux (section Cinéastes du présent) et Basil da Cunha avec O Fim do Mundo (section concours international) film brûlant d’actualité autour de la communauté d’un bidonville de Lisbonne. Deux films à voir au cinéma d’Oron dès leur sortie en Romandie.
Rajeunir le public, pas si simple
Si la nouvelle directrice mise sur davantage de jeunes réalisateurs, elle a également rajeuni le comité de sélection. Une autre de ses priorités est d’attirer un nouveau public. «Faire découvrir aux jeunes la magie de la grande salle et plus, la Piazza Grande, les éloigner pour un temps de leur smartphone» déclarait Lili Hinstin lors de la conférence de presse à Berne. Ainsi, plusieurs initiatives du festival avaient pour but de rassembler les moins de 30 ans et de connaître leurs attentes. A Losone, dans une ancienne caserne, le Base Camp destiné à des jeunes de 18 à 30 ans, a mis 200 lits à disposition avec nourriture à peu de frais et un accès facile à toutes les scéances du festival. Cependant la jeunesse de la région n’a pas suivi le programme Crazy Midnight, sur la Piazza Grande, qu’on leur destinait. Ils étaient nombreux à faire la fête à proximité, la nuit durant. La gratuité du billet les aurait peut-être dissuadés.
Plate-forme pour les moins de 30 ans

CR. |. Sur la Piazza Grande, nous avons rencontré Charlyne Genoud, habitante de Clarens, étudiante en lettres à l’Unil. Elle fait partie des critiques de cinéma de moins de 30 ans via une plate-forme en ligne. La Tribune des jeunes cinéphiles a vu le jour il y a une dizaine d’années sous l’initiative de Suzanne Déglon-Scholer, enseignante vaudoise qui tenait à encourager des étudiants ou des jeunes en formation à réfléchir sur les films qu’ils découvraient et à rédiger leurs impressions par écrit. Depuis le TJC a pris une dimension romande et même latine. Elle est soutenue par l’OFC. Le principe est d’amener des jeunes à voir des films qu’ils n’iraient pas nécessairement voir et d’en débattre ensuite. En contrepartie d’un billet offert – ils écrivent un texte sur: latjc.wordpress.com. Charlyne Genoud a été choisie pour les représenter à Locarno.
Quelle impression de vivre ce festival?
«J’étais venue l’an dernier sans grande idée de ce qui se passait à Locarno. Cette année, grâce à la Tribune des jeunes cinéphiles, je découvre plus ce qui se cache derrière le grand écran. Locarno est un lieu de réseautage et de découverte pour toutes sortes de métiers du cinéma où les opportunités me semblent multiples. J’aime beaucoup observer cela comme on regarde un film dont le producteur est le Festival lui-même.»
Avez-vous vu «A Dirty Shame» de John Waters?
«Non je n’y suis pas allée car j’essaie de voir ici des films dont l’accès est difficile le reste de l’année. Cependant, je trouve le travail de Waters fascinant par son extravagance.»
Quels films vous ont particulièrement plu?
«Vitalina Varela de Pedro Costa, Arguments d’Olivier Zabat, Being Jerôme Bel de Sima Khatami et Aldo Lee, Yokogao de Koji Fukada. Un grand moment d’émotion était lors d’une scène du film islandais «Bergmal» de Runarsson, qui montre un homme seul en EMS pour Noël. La froideur du plan, la fatigue aussi à force d’enchaîner les films, m’ont fait monter les larmes aux yeux, alors qu’à mon côté un couple qui percevait de l’ironie dans la scène, riait aux éclats!»