Un roman intimiste d’amour et de voyage

Frédéric Lamoth, Ninel, Bernard Campiche, Editeur, 2025, 122 p.
Attention ! Ce livre n’est pas fait pour être lu sous les cocotiers avec de la musique dans les oreillettes… Il requiert calme et attention.
D’autant plus que la langue de Frédéric Lamoth est élégante, parfois à la limite de la préciosité. C’est un roman intimiste qui peut faire songer à celui de Thomas Mann, La Mort à Venise, auquel l’auteur fait d’ailleurs allusion. La trame en est assez simple. Le père du narrateur possède un hôtel à Lugano. Là séjournent une jeune femme, Nina, et Thomas Lerch, son compagnon ou « protecteur », un Allemand plus âgé et assez « bling-bling », personnage qui se révélera ultérieurement plus sympathique qu’il ne l’était au premier abord. Le narrateur fait la connaissance de Nina, c’est le coup de foudre. Elle quitte Lerch et va partir avec son jeune amant dans un long périple, ou une « dérive », comme le dit l’auteur, qui va les mener par étapes à travers l’Europe de l’Est. On apprend que Nina est Biélorusse et qu’elle a fait ses études à Vitebsk, en Ukraine. Deux régions marquées par le conflit armé actuel, qui apparaît en filigrane dans le roman, lequel se déroule pendant l’année 2022.
Le livre est donc le récit d’un voyage, par Venise, Ljubljana, Budapest, Kiev et Varsovie. Une région que Frédéric Lamoth semble bien connaître, son père étant d’origine hongroise. Mais ce n’est pas un voyage « touristique », où l’auteur chercherait la « couleur locale ». Chaque ville est sommairement évoquée, et il s’y déroule souvent un événement insolite. On sait par ailleurs que la relation amoureuse entre ces deux êtres va inéluctablement prendre fin au terme de leur voyage.
Mais le réel sujet du roman, c’est la découverte progressive que l’on fait, en même temps que le narrateur, de Nina, une jeune femme étrange, parfois impénétrable, et qui va se dévoiler pan par pan. On apprend que Nina a eu une sœur jumelle, nommée Ninel (elle a donné son titre au livre), dont le lecteur découvrira le sort assez tardivement. Tout cela confère au récit un caractère étrange, mystérieux, dans lequel le lecteur doit lui aussi entrer progressivement et sans faire preuve d’impatience. Car tout est en pianissimo ou en Moderato cantabile, pour reprendre le titre d’un roman de Marguerite Duras, qui évoque lui aussi une relation improbable et inéluctablement marquée par sa fin prévisible. Le narrateur l’évoque d’ailleurs avec nostalgie.
Notons que Frédéric Lamoth, dans une vie parallèle, est professeur associé au CHUV. Il n’est pas le seul à combiner littérature et médecine : songeons à Anton Tchékhov, Georges Duhamel, Louis Aragon, Louis-Ferdinand Céline et à bien d’autres. Est-cela qui leur a permis de mieux sonder l’âme humaine ? Ce n’est qu’une hypothèse…